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Le centenaire de Max Roach

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Pour prendre conscience de l’importance de Max Roach dans « L’épopée des Musiques Noires », il suffit de citer les musiciens avec lesquels il a écrit de grands chapitres de l’histoire du jazz. Ce batteur incroyable a partagé la scène ou œuvré en studio avec Charlie Parker, Miles Davis, Dizzy Gillespie, Thelonious Monk, Sonny Rollins, Charles Mingus, Duke Ellington, Coleman Hawkins, Clifford Brown... En d’autres mots, les pionniers du swing ancestral.

Cette proximité avec les grandes figures d’antan lui avait permis d’acquérir un savoir et un esprit critique qui le distinguaient de ses contemporains. Converser avec Max Roach était souvent riche d’enseignements. Sa vie entière fut une succession de soubresauts créatifs qui lui permettaient d’avoir un discours tranché sur l’apport culturel du jazz.

Non content de côtoyer les agitateurs de la culture afro-américaine du XXe siècle, Max Roach en fut aussi l’un des acteurs majeurs. Dès les années 40, il participait à la genèse d’un genre musical qui allait révolutionner le paysage musical d’alors : le bebop. Dans les années 50 et 60, il inventera une forme de militantisme sonore destiné à bousculer les mentalités. L’un de ses plus véhéments brûlots contre le racisme et pour une égalité sociale réelle fut un album, paru 1961, intitulé « We Insist, Freedom, Now Suite ». Ce disque appelait à un sursaut citoyen alors que les exactions des autorités blanches continuaient de contraindre le quotidien de la communauté noire. Au-delà de la situation américaine, cette œuvre majeure évoquait également l’oppression sur d’autres continents et, notamment, l’Afrique victime d’une colonisation séculaire. La chanteuse Abbey Lincoln, épouse de Max Roach, activiste de la première heure, participait évidemment à ce projet ambitieux en laissant jaillir sa verve poétique dans sa voix rebelle et insoumise.

Max Roach, Abbey Lincoln, Charles Mingus, Nina Simone, et tant d’autres, ont hurlé leur colère, face à l’injustice, aux brimades et aux humiliations. Max Roach n’a jamais contesté le fait que son art était politique et s’inscrivait dans l’évolution des mœurs et des sociétés à travers les âges. Le rap était pour lui le fruit savoureux de son propre engagement initié des décennies plus tôt. « Dans les écoles publiques américaines, l’enseignement de la musique fut longtemps négligé. Par conséquent, tous ces gamins issus des ghettos n’avaient d’autres solutions pour se divertir que d’écouter des disques. C’est ainsi qu’est né le scratch. Ne pouvant jouer sur des instruments, ils ont appris à jouer avec les disques. Ils ont créé une rythmique particulière sur laquelle ils ont inventé une poésie qui leur était propre et qui décrivait leur quotidien, leur quartier, leur voisinage. L’impact des mots au sein de la communauté noire aujourd’hui est énorme. La violence, la dureté des propos, traduisent la rage d’une génération livrée à elle-même qui n’a pas eu la chance d’étudier les arts, la poésie, la littérature, et s’est construite seule en inventant un langage, une culture. Ces jeunes gens ont été exclus de la vie politique mais l’art est suffisamment malléable pour inscrire dans son histoire toutes les nuances sociales. Ainsi, les rappeurs ont réussi à faire entendre au monde entier la détresse de la communauté africaine-américaine. Qui se serait inquiété de la situation des noirs aux États-Unis si le rap n’avait pas véhiculé ce message à l’échelle planétaire ? Nous avons découvert un univers de violence où la drogue fait des ravages, y compris, parmi les plus jeunes. Les artistes d’aujourd’hui dénoncent ces situations et lancent un appel à l’aide, à leurs aînés, à leurs semblables, à leurs gouvernements. Il est toujours aussi étonnant d’assister à ce processus artistique qui pousse la nature humaine à résoudre ses propres problèmes ». (Max Roach au micro de Joe Farmer)

Max Roach était un homme intelligent. Il savait que la clé de l’épanouissement artistique était la nouveauté. Il lui fallait rester à l’écoute de son temps et ne pas s’enfermer dans ses souvenirs. Il avait observé la mutation progressive de son ami Miles Davis vers une tonalité moderne en phase avec le renouvellement des générations. Comme ses aînés et ses contemporains, Max Roach n’a cessé d’innover, de se remettre perpétuellement en question, sans jamais se compromettre, ni perdre de vue la source originelle de sa créativité rythmique : l’Afrique. Il a, à ce titre, inspiré de nombreux musiciens des deux côtés de l’Atlantique. Le regretté flûtiste et saxophoniste sud-africain, Zim Ngqawana, avait le plus grand respect pour Max Roach et saluait son attachement aux racines ancestrales. « Tous ceux qui achètent les disques de Max Roach doivent avoir l’esprit que cette musique a une incidence sur leur vie. Si cette vibration sonore peut soigner leurs blessures, elle peut aussi insuffler des émotions, être une lumière dans l’obscurité. Si, après une journée de labeur, j’écoute Max Roach pour me délasser, et que le lendemain, je suis à nouveau esclave de la société, tout cela n’a aucun sens. Il faut utiliser ce qui vous dynamise pour libérer votre esprit. La musique n’est pas qu’un loisir, ni un passe-temps ludique. Max Roach l’a compris en dirigeant un ensemble de percussions nommé « M’boom ». C’est évidemment le son des tambours. Sur le continent africain, nous appelons les vibrations des percussions : « Ingoma ». Comment voulez-vous faire de la musique sans cet appel sonore, sans « Ingoma » ? Les mots sont souvent moins expressifs que le son lui-même. Max Roach nous l’a maintes fois prouvé ». (Zim Ngqawana sur RFI – Mars 2006)

Bien qu’il ait été un disciple de Max Roach, Zim Ngqawana tenait à avoir un regard juste sur celui qu’il admirait et qu’il respectait. Pour lui, l’émotion créée par la rythmique irrésistible de Max Roach à la batterie devait provoquer une action, une envie, un désir de provoquer les évènements. En d’autres mots, la musique pouvait décider de notre vie. À ses yeux, cette approche spirituelle du jazz passait nécessairement par une maîtrise artistique parfaite. Il se trouve que Max Roach avait insufflé cette exigence dans le jeu de beaucoup d’instrumentistes. Il était lui-même un batteur insatiable qui ne se satisfaisait jamais de l’approximation. « L’univers du son est, pour moi, un monde dans lequel je m’investis totalement. Miles Davis, Count Basie, Benny Goodman, étaient tous de grands virtuoses et avaient, de surcroît, une connaissance aiguë de la théorie musicale, des lois qui régissent la pratique d’un instrument. Ce que nous donnions l’illusion de jouer sur l’instant était le résultat d’une recherche effrénée de l’harmonie pure. Cette technicité est finalement devenue une seconde nature ». (Max Roach au micro de Joe Farmer)

Max Roach vit le jour le 10 janvier 1924 à Newland en Caroline du Nord. 100 ans après sa naissance, son intégrité percussive reste un exemple pour nombre de ses héritiers.

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Cette proximité avec les grandes figures d’antan lui avait permis d’acquérir un savoir et un esprit critique qui le distinguaient de ses contemporains. Converser avec Max Roach était souvent riche d’enseignements. Sa vie entière fut une succession de soubresauts créatifs qui lui permettaient d’avoir un discours tranché sur l’apport culturel du jazz.

Non content de côtoyer les agitateurs de la culture afro-américaine du XXe siècle, Max Roach en fut aussi l’un des acteurs majeurs. Dès les années 40, il participait à la genèse d’un genre musical qui allait révolutionner le paysage musical d’alors : le bebop. Dans les années 50 et 60, il inventera une forme de militantisme sonore destiné à bousculer les mentalités. L’un de ses plus véhéments brûlots contre le racisme et pour une égalité sociale réelle fut un album, paru 1961, intitulé « We Insist, Freedom, Now Suite ». Ce disque appelait à un sursaut citoyen alors que les exactions des autorités blanches continuaient de contraindre le quotidien de la communauté noire. Au-delà de la situation américaine, cette œuvre majeure évoquait également l’oppression sur d’autres continents et, notamment, l’Afrique victime d’une colonisation séculaire. La chanteuse Abbey Lincoln, épouse de Max Roach, activiste de la première heure, participait évidemment à ce projet ambitieux en laissant jaillir sa verve poétique dans sa voix rebelle et insoumise.

Max Roach, Abbey Lincoln, Charles Mingus, Nina Simone, et tant d’autres, ont hurlé leur colère, face à l’injustice, aux brimades et aux humiliations. Max Roach n’a jamais contesté le fait que son art était politique et s’inscrivait dans l’évolution des mœurs et des sociétés à travers les âges. Le rap était pour lui le fruit savoureux de son propre engagement initié des décennies plus tôt. « Dans les écoles publiques américaines, l’enseignement de la musique fut longtemps négligé. Par conséquent, tous ces gamins issus des ghettos n’avaient d’autres solutions pour se divertir que d’écouter des disques. C’est ainsi qu’est né le scratch. Ne pouvant jouer sur des instruments, ils ont appris à jouer avec les disques. Ils ont créé une rythmique particulière sur laquelle ils ont inventé une poésie qui leur était propre et qui décrivait leur quotidien, leur quartier, leur voisinage. L’impact des mots au sein de la communauté noire aujourd’hui est énorme. La violence, la dureté des propos, traduisent la rage d’une génération livrée à elle-même qui n’a pas eu la chance d’étudier les arts, la poésie, la littérature, et s’est construite seule en inventant un langage, une culture. Ces jeunes gens ont été exclus de la vie politique mais l’art est suffisamment malléable pour inscrire dans son histoire toutes les nuances sociales. Ainsi, les rappeurs ont réussi à faire entendre au monde entier la détresse de la communauté africaine-américaine. Qui se serait inquiété de la situation des noirs aux États-Unis si le rap n’avait pas véhiculé ce message à l’échelle planétaire ? Nous avons découvert un univers de violence où la drogue fait des ravages, y compris, parmi les plus jeunes. Les artistes d’aujourd’hui dénoncent ces situations et lancent un appel à l’aide, à leurs aînés, à leurs semblables, à leurs gouvernements. Il est toujours aussi étonnant d’assister à ce processus artistique qui pousse la nature humaine à résoudre ses propres problèmes ». (Max Roach au micro de Joe Farmer)

Max Roach était un homme intelligent. Il savait que la clé de l’épanouissement artistique était la nouveauté. Il lui fallait rester à l’écoute de son temps et ne pas s’enfermer dans ses souvenirs. Il avait observé la mutation progressive de son ami Miles Davis vers une tonalité moderne en phase avec le renouvellement des générations. Comme ses aînés et ses contemporains, Max Roach n’a cessé d’innover, de se remettre perpétuellement en question, sans jamais se compromettre, ni perdre de vue la source originelle de sa créativité rythmique : l’Afrique. Il a, à ce titre, inspiré de nombreux musiciens des deux côtés de l’Atlantique. Le regretté flûtiste et saxophoniste sud-africain, Zim Ngqawana, avait le plus grand respect pour Max Roach et saluait son attachement aux racines ancestrales. « Tous ceux qui achètent les disques de Max Roach doivent avoir l’esprit que cette musique a une incidence sur leur vie. Si cette vibration sonore peut soigner leurs blessures, elle peut aussi insuffler des émotions, être une lumière dans l’obscurité. Si, après une journée de labeur, j’écoute Max Roach pour me délasser, et que le lendemain, je suis à nouveau esclave de la société, tout cela n’a aucun sens. Il faut utiliser ce qui vous dynamise pour libérer votre esprit. La musique n’est pas qu’un loisir, ni un passe-temps ludique. Max Roach l’a compris en dirigeant un ensemble de percussions nommé « M’boom ». C’est évidemment le son des tambours. Sur le continent africain, nous appelons les vibrations des percussions : « Ingoma ». Comment voulez-vous faire de la musique sans cet appel sonore, sans « Ingoma » ? Les mots sont souvent moins expressifs que le son lui-même. Max Roach nous l’a maintes fois prouvé ». (Zim Ngqawana sur RFI – Mars 2006)

Bien qu’il ait été un disciple de Max Roach, Zim Ngqawana tenait à avoir un regard juste sur celui qu’il admirait et qu’il respectait. Pour lui, l’émotion créée par la rythmique irrésistible de Max Roach à la batterie devait provoquer une action, une envie, un désir de provoquer les évènements. En d’autres mots, la musique pouvait décider de notre vie. À ses yeux, cette approche spirituelle du jazz passait nécessairement par une maîtrise artistique parfaite. Il se trouve que Max Roach avait insufflé cette exigence dans le jeu de beaucoup d’instrumentistes. Il était lui-même un batteur insatiable qui ne se satisfaisait jamais de l’approximation. « L’univers du son est, pour moi, un monde dans lequel je m’investis totalement. Miles Davis, Count Basie, Benny Goodman, étaient tous de grands virtuoses et avaient, de surcroît, une connaissance aiguë de la théorie musicale, des lois qui régissent la pratique d’un instrument. Ce que nous donnions l’illusion de jouer sur l’instant était le résultat d’une recherche effrénée de l’harmonie pure. Cette technicité est finalement devenue une seconde nature ». (Max Roach au micro de Joe Farmer)

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