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#86 Mathieu Petite · Grand Genève : visions transfrontalières

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Genève ce n’est pas qu’un jet d’eau, le siège d’institutions internationales et de quelques banques. C’est un des territoires les plus dynamiques d’Europe, et les échos de son développement dépassent largement le canton. L’agglomération compte plus d’un million d’habitants, et les tensions métropolitaines sont exacerbées par la frontière, avec des emplois qui se concentrent dans le canton de Genève, et les logements en France. Le besoin de structurer le territoire ne date pas d’hier, et la collaboration transfrontalière a abouti à un projet d’agglomération au milieu des années 2000. Cette collaboration singulière porte désormais le nom de Grand Genève et couvre plus de 200 communes et 2000 km2 entre la Suisse et la France. Une nouvelle étape s’engage avec l’élaboration de la « Vision territoriale transfrontalière 2050 ». Ce n’est pas un document réglementaire, mais un processus de dialogue qui doit permettre de fixer un cap commun. Les territoires impliqués prendront ensuite le soin de le traduire dans leurs documents réglementaires.

Au vu de l’ampleur des enjeux de transition, c’est un renouvellement complet de la stratégie qui s’engage, avec comme donnée d’entrée l’arrivée attendue de 300 à 400 000 habitantes et habitants en plus d’ici 2050. Mais les documents de travail comme les échanges témoignent d’un changement d’époque. Car il n’y a pas que la jeune génération qui vit l’angoisse des lendemains qui ne chantent plus. Ils la partagent avec celles et ceux qui fréquentent le temps long. Eux aussi sont pris de vertige. Car les études qui structurent le dialogue montrent bien les limites du modèle du développement adopté par le territoire depuis quelques décennies. Il est confronté à deux impasses : la consommation de sols induite par l’étalement de la ville, et le panache d’émissions de CO2 des mobilités automobiles. Les documents d’urbanisme concentrent aujourd’hui les capacités d’accueil dans les territoires français les plus ruraux où l’offre de logement est distante des services comme des transports en commun. C’est donc à une accélération de l’étalement urbain et une intensification de l’usage de la voiture que l’on risque d’assister, s’il n’y a pas de changement de cap.

Le succès du Léman Express - le RER transfrontalier ouvert il y a trois ans - a ouvert de nouvelles perspectives, mais le territoire est toujours dépendant de la voiture individuelle qui génère l’essentiel des émissions de la mobilité terrestre. Seule une réduction drastique du parc et des kilomètres parcourus peut permettre de décarboner les mobilités du quotidien, la voiture zéro émission n’étant pas près de voir le jour. Difficile d’imaginer dans ces conditions l’accueil de 300 à 400 000 habitants d’ici le milieu du siècle sans accélérer l’étalement urbain générateur de mobilité carbonée . Ce qui est initialement une donnée d’entrée que la réflexion prospective doit intégrer, pourrait donc devenir une variable à interroger. Pour le Grand Genève, cela nécessite de dénouer des questions complexes. La croissance démographique est-elle écrite, possible, souhaitée ou souhaitable ? Comment arrêter à court terme les développements urbains et les investissements dans des infrastructures qui accentuent les vulnérabilités du territoire à la dépendance automobile ? Comment inverser radicalement la tendance et concentrer le développement urbain le long du rail ? Le Grand Genève est un territoire soumis à une pression plus intense que d’autres, mais les questions qu’il se pose aujourd’hui vont donner le vertige à beaucoup d’autres.

Nous échangeons avec Mathieu Petite, adjoint de l'urbaniste cantonale du Canton de Genève.

Pour en savoir plus : https://www.grand-geneve.org/

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Au vu de l’ampleur des enjeux de transition, c’est un renouvellement complet de la stratégie qui s’engage, avec comme donnée d’entrée l’arrivée attendue de 300 à 400 000 habitantes et habitants en plus d’ici 2050. Mais les documents de travail comme les échanges témoignent d’un changement d’époque. Car il n’y a pas que la jeune génération qui vit l’angoisse des lendemains qui ne chantent plus. Ils la partagent avec celles et ceux qui fréquentent le temps long. Eux aussi sont pris de vertige. Car les études qui structurent le dialogue montrent bien les limites du modèle du développement adopté par le territoire depuis quelques décennies. Il est confronté à deux impasses : la consommation de sols induite par l’étalement de la ville, et le panache d’émissions de CO2 des mobilités automobiles. Les documents d’urbanisme concentrent aujourd’hui les capacités d’accueil dans les territoires français les plus ruraux où l’offre de logement est distante des services comme des transports en commun. C’est donc à une accélération de l’étalement urbain et une intensification de l’usage de la voiture que l’on risque d’assister, s’il n’y a pas de changement de cap.

Le succès du Léman Express - le RER transfrontalier ouvert il y a trois ans - a ouvert de nouvelles perspectives, mais le territoire est toujours dépendant de la voiture individuelle qui génère l’essentiel des émissions de la mobilité terrestre. Seule une réduction drastique du parc et des kilomètres parcourus peut permettre de décarboner les mobilités du quotidien, la voiture zéro émission n’étant pas près de voir le jour. Difficile d’imaginer dans ces conditions l’accueil de 300 à 400 000 habitants d’ici le milieu du siècle sans accélérer l’étalement urbain générateur de mobilité carbonée . Ce qui est initialement une donnée d’entrée que la réflexion prospective doit intégrer, pourrait donc devenir une variable à interroger. Pour le Grand Genève, cela nécessite de dénouer des questions complexes. La croissance démographique est-elle écrite, possible, souhaitée ou souhaitable ? Comment arrêter à court terme les développements urbains et les investissements dans des infrastructures qui accentuent les vulnérabilités du territoire à la dépendance automobile ? Comment inverser radicalement la tendance et concentrer le développement urbain le long du rail ? Le Grand Genève est un territoire soumis à une pression plus intense que d’autres, mais les questions qu’il se pose aujourd’hui vont donner le vertige à beaucoup d’autres.

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