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Howard Carter et la malédiction de Toutankhamon

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Le lieu de repos du légendaire pharaon Toutankhamon est sans l'ombre d'un doute le tombeau le plus connu d'Égypte. Construit il y a des milliers d'années et recherché par les archéologues occidentaux durant plus d'un siècle, il provoque dès son ouverture un soulèvement de l'opinion publique, libérant à la manière de la boîte de Pandore des histoires de malédictions et d'empoisonnement. Retraçons ensemble l'histoire de sa découverte et des événements qui ont suivi.


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Pour aller plus loin :

Transcription du podcast :

Égypte, 1922. Tout n’est que lumière, poussière et sueur dans le bruit des pelles heurtant le gravat blanc. Niché dans le giron aride de la nécropole thébaine, le site de fouilles de la vallée des Rois renvoie au soleil son éclat aveuglant. Sous le regard brûlant d’Howard Carter, de Lord Carnarvon et de sa fille Evelyn, les ouvriers couverts de sueur déblayent un grand escalier de pierre. Cela fait des années qu’ils explorent avec une conviction vacillante cette étendue ingrate, résolue à ne plus céder aucun trésor. Mais aujourd’hui n’est pas un jour comme les autres. Aujourd’hui, ils ouvrent une tombe. Au-dessus de l’escalier s’enfonçant dans le sol, le jeune porteur d’eau trépigne alors qu’un cartouche apparaît sous la caillasse crayeuse. Tous les yeux se fixent sur l’inscription gravée dans la pierre, et des cris de joie se mêlent aux soupirs de soulagement alors qu’une voix énonce dans un souffle : « Toutankhamon ».

Howard Carter naît le 9 mai 1874 dans le quartier de Kensington, à Londres. Il est le plus jeune d’une fratrie de onze enfants, fils de l’illustrateur Samuel John Carter et de Martha Joyce. Durant son enfance, son père lui apprend à dessiner, et bien que le jeune Howard ne reçoive qu’une éducation limitée à l’école, ses talents artistiques ne tardent pas à se faire remarquer. Ils attirent notamment l’attention de Lady Margaret Amherst, une riche amie de la famille dont la demeure de Didlington Hall abrite un petit musée d’antiquités égyptiennes construit par son père. Cette collection d’objets exotiques et mystérieux captive l’imagination de Howard. Statuettes, masques, bijoux et même momie ornent les vitrines devant lesquelles il se campe en compagnie de son père, crayon en main. Sa technique et sa curiosité font forte impression sur Lady Amherst qui décide d’utiliser son influence pour permettre au jeune homme d’assouvir sa passion.

Après une lettre de recommandation envoyée par la riche patronne au Fonds d’Exploration de l’Égypte, Howard part comme apprenti sur le site de fouilles de Beni Hassan, à l’âge de seulement 17 ans. Aux côtés de Percy Newberry, un ami des Amherst, il a pour tâche de reproduire les dessins et inscriptions découverts dans les tombes vieilles de plusieurs milliers d’années. Une mission dont il s’acquitte avec succès, améliorant au passage les méthodes de retranscription employées à son époque. L’année suivante, il travaille à Amarna, ancienne capitale du pharaon Akhenaton, puis il rejoint Édouard Naville à Deir el-Bahari, où il reproduit cette fois-ci les bas reliefs du temple d’Hatchepsout.

Il ne lui faut que huit ans pour être désigné inspecteur des monuments par le Service des Antiquités Égyptiennes, puis en 1906, il rejoint l’équipe de l’Américain Theodore Davis dans la vallée des Rois. Davis n’est pas un piètre archéologue, loin de là. Durant ses travaux de fouilles entre 1902 et 1913, lui et son personnel découvrent pas moins de 24 tombes, dont celles de Ramsès IV et de Thoutmôsis IV. Mais il commet une erreur critique : en excavant la tombe KV57, il découvre plusieurs objets portant le nom de Toutankhamon, l’amenant à conclure qu’il a mis au jour l’ultime demeure du jeune pharaon, une chimère qui échappe aux plus grands archéologues depuis 100 ans. Celle-ci est en réalité celle d’un autre régent, baptisé Horemheb, mais Davis réalise son erreur trop tard. Alors que le tombeau de Toutankhamon se situe seulement à quelques coups de pelle sous ses pieds, il interrompt ses recherches au bout de quelques années en déclarant que la vallée des Rois a probablement livré tous ses secrets, et passe la concession à un certain lord Carnarvon.

Après un accident de voiture qui l’a irrémédiablement affaibli en 1903, Carnarvon s’est vu exhorter par ses médecins à passer ses hivers hors de l’Angleterre. Avec sa femme, ils choisissent l’Égypte comme rédisence secondaire et tombent amoureux du pays et de son histoire. Collectionneur avide d’antiquités, l’earl anglais commence à financer des chantiers de fouilles dès 1907, où il emploie les services du très apprécié Howard Carter. Un choix qu’il ne regrettera pas car Carter connaît la vallée des Rois comme sa poche, et lorsque les travaux reprennent sous la supervision de Carnarvon en 1914, il a bien l’intention de le mener jusqu’à la tombe de Toutankhamon. La victoire n’est plus très loin, il en est sûr, mais elle se fera encore attendre. Longtemps.

En effet, en 1922, démoralisé par leurs maigres résultats, le lord annonce qu’il s’agira là de leur dernière année de fouilles. Howard est amer mais pas encore vaincu. Avec son équipe, ils explorent chaque recoin, et se tournent finalement vers une rangée de huttes visiblement peu prometteuse qui avait été abandonnée quelques années plus tôt. C’est leur jeune porteur d’eau, Hussein Abdel-Rassoul, qui repère le premier la pierre qui marque l’entrée du tombeau. Une simple marche dissimulée sous les gravats.

Le 4 novembre 1922, Lord Carnarvon, alors en Angleterre, reçoit le télégramme triomphant de Carter :

« Enfin nous avons fait une découverte formidable dans la vallée ; une magnifique tombe aux sceaux intacts ; recouverte jusqu’à votre arrivée ; félicitations ».

Près de trois semaines plus tard, Carter, Carnarvon, sa fille Lady Evelyn et le reste des ouvriers anonymes travaillant sur le site découvrent avec exaltation le cartouche portant le nom du pharaon. Une brèche dans la première porte leur révèle un couloir rempli de gravats qui prendra deux jours à déblayer. Au bout de celui-ci, une nouvelle porte scellée marque l’entrée de l’antichambre. Carter, au comble de l’enthousiasme, pratique une percée suffisamment grande dans la pierre pour pouvoir y passer la tête. Le cœur battant, il avance une bougie allumée par l’ouverture afin de s’assurer qu’aucun gaz nocif ne règne de l’autre côté. Et pendant un instant, le groupe se demande vraiment si Carter, désormais immobile et les yeux écarquillés, n’a pas été victime de quelque empoisonnement. Mais comme celui-ci le raconte :

« Au début, je n’y voyais rien, car l’air chaud s’échappant de la chambre faisait vaciller la flamme ; mais un moment plus tard, alors que mes yeux s’accoutumaient à sa lumière, les détails de la pièce émergèrent doucement de la brume : d’étranges animaux, des statues, et de l’or – partout le scintillement de l’or.»

Après un silence, Carnarvon, inquiet, se penche vers son ami et lui demande s’il parvient à apercevoir quelque chose.

« Oui », répond Carter, « des choses merveilleuses. » Plus de 5.000 objets qu’il faudra près de 8 ans à extraire du tombeau en suivant la méthode d’archivage méticuleuse de Carter. Un triomphe pour l’archéologue et l’ensemble de l’expédition qui demeure à ce jour l’une des plus grandes découvertes jamais réalisées en Egypte. Mais l’histoire ne s’arrête pas là, car comme vous le savez, impossible aujourd’hui de prononcer le nom de Toutankhamon sans parler de la présumée malédiction qui lui serait rattachée.

Deux mois après l’ouverture de la chambre funéraire, à l’âge de 56 ans, Lord Carnarvon meurt d’une terrible infection et immédiatement l’opinion publique s’emballe. Certains proclament qu’il s’agit d’une juste conclusion pour celui qui a désacralisé la tombe d’un roi, tandis que d’autres se perdent en spéculations sur les sorts et les poisons qui ont pu causer la mort du lord. Après tout, on raconte que son canari aurait été dévoré par un cobra, puis que sa servante aurait contracté l’appendicite la veille de l’ouverture du tombeau ! Puis il paraît qu’une épidémie de furoncles est apparue dans plusieurs coins d’Europe le jour de l’ouverture, figurez-vous, et que sa femme est tombée malade dans l’avion qui l’amenait au côté de son mari mourant. Bref, tout le monde y va de son opinion et chaque élément qui pourrait servir à corroborer l’hypothèse plus que vacillante d’une malédiction est mis à contribution. Arthur Conan Doyle lui-même, certes célèbre auteur de Sherlock Holmes mais également fervent défenseur du spiritisme, expose immédiatement son avis aux journaux : la tombe de Toutankhamon était gardée par des élémentaires, des esprits créés par les prêtres du pharaon pour protéger sa dépouille. L’affaire circule dans le monde entier, et l’on raconte que Mussolini, grand superstitieux, se serait débarrassé in extremis de la momie qu’il conservait au palais Chigi par crainte d’être lui aussi victime d’un sort. L’histoire ne tarde pas à se transformer en légende, et durant les années puis les décennies suivantes, les individus les plus influençables continuent de chercher des preuves dans les événements qui suivent la découverte du tombeau. La maladie de Carter en 1924, la mort d’un riche Américain en visite dans la vallée des Rois, puis celle de plusieurs membres de l’équipe qui a découvert la tombe sont autant d’arguments avancés par les crédules. Mais la science se charge vite de démentir ces assertions.

D’après les rapports médicaux, Carnarvon serait mort d’une infection générale doublée d’une pneumonie, conséquences d’une piqûre de moustique mal soignée durant son voyage. Les sceptiques se hâtent d’autre part de démontrer que la plupart des personnes ayant visité la tombe ont vécu sans encombres, puisque sur les 58 individus présents au moment de l’ouverture du tombeau puis du sarcophage, seulement 8 sont morts dans les douze années qui ont suivi, aucun d’entre eux à un âge situé en dessous de l’espérance de vie de l’époque. Les archéologues ont également assuré qu’aucune malédiction n’avait été découverte gravée sur les murs de la chambre, contrairement à ce qu’avançaient certains. Et Howard Carter lui-même affirma que ces histoires de malédictions n’étaient que balivernes et que l’esprit d’un égyptologue ne devait pas se définir par un sentiment de peur idiote, mais par un respect et une admiration profonde pour ce qu’il explore. Et pourtant, aujourd’hui encore la légende de Toutankhamon fait parler d’elle, comme bien d’autres mythes à la peau dure et certains croyances, plus dangereuses.

Howard Carter meurt d’un lymphome de Hodgkin dans son appartement londonien, le 2 mars 1939. Seules neuf personnes seront présentes à l’enterrement de cet éternel solitaire qui ne laisse derrière lui ni compagnon ni enfant, mais un formidable héritage pour le monde de l’archéologie.

En 2015, le chercheur Nicholas Reeves, avec une détermination digne de son prédécesseur, suggère que la tombe de Toutankhamon abriterait les portes de deux chambres encore inexplorées. Après d’âpres débats, des données collectées en 2019 semblent confirmer que des pièces probablement encore remplies de gravats resteraient à explorer derrière ces murs érigés il y a plusieurs milliers d’années.


Merci d'avoir écouté Chasseurs de Science. Au texte et à la narration : Emma Hollen. Si vous appréciez notre travail, n’hésitez pas à nous laisser un commentaire et cinq étoiles sur les plateformes de diffusion pour nous soutenir et améliorer notre visibilité. Vous pouvez aussi vous abonner sur Spotify, Deezer, Apple Podcast et bien d’autres pour ne plus manquer un seul épisode. Quant à moi, je vous retrouverai bientôt pour une future expédition temporelle, dans Chasseurs de science. À bientôt !


Musique :

Patricia Chaylade

Energizing, par Kevin MacLeod

Desert Night, par Sasha Ende

Sandstorm, par Alexander Nakarada

Cinematic Dark Trailer, par MusicLFiles

BeeAndButterfly, par Lilo Sound

License: https://filmmusic.io/standard-license

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Égypte, 1922. Tout n’est que lumière, poussière et sueur dans le bruit des pelles heurtant le gravat blanc. Niché dans le giron aride de la nécropole thébaine, le site de fouilles de la vallée des Rois renvoie au soleil son éclat aveuglant. Sous le regard brûlant d’Howard Carter, de Lord Carnarvon et de sa fille Evelyn, les ouvriers couverts de sueur déblayent un grand escalier de pierre. Cela fait des années qu’ils explorent avec une conviction vacillante cette étendue ingrate, résolue à ne plus céder aucun trésor. Mais aujourd’hui n’est pas un jour comme les autres. Aujourd’hui, ils ouvrent une tombe. Au-dessus de l’escalier s’enfonçant dans le sol, le jeune porteur d’eau trépigne alors qu’un cartouche apparaît sous la caillasse crayeuse. Tous les yeux se fixent sur l’inscription gravée dans la pierre, et des cris de joie se mêlent aux soupirs de soulagement alors qu’une voix énonce dans un souffle : « Toutankhamon ».

Howard Carter naît le 9 mai 1874 dans le quartier de Kensington, à Londres. Il est le plus jeune d’une fratrie de onze enfants, fils de l’illustrateur Samuel John Carter et de Martha Joyce. Durant son enfance, son père lui apprend à dessiner, et bien que le jeune Howard ne reçoive qu’une éducation limitée à l’école, ses talents artistiques ne tardent pas à se faire remarquer. Ils attirent notamment l’attention de Lady Margaret Amherst, une riche amie de la famille dont la demeure de Didlington Hall abrite un petit musée d’antiquités égyptiennes construit par son père. Cette collection d’objets exotiques et mystérieux captive l’imagination de Howard. Statuettes, masques, bijoux et même momie ornent les vitrines devant lesquelles il se campe en compagnie de son père, crayon en main. Sa technique et sa curiosité font forte impression sur Lady Amherst qui décide d’utiliser son influence pour permettre au jeune homme d’assouvir sa passion.

Après une lettre de recommandation envoyée par la riche patronne au Fonds d’Exploration de l’Égypte, Howard part comme apprenti sur le site de fouilles de Beni Hassan, à l’âge de seulement 17 ans. Aux côtés de Percy Newberry, un ami des Amherst, il a pour tâche de reproduire les dessins et inscriptions découverts dans les tombes vieilles de plusieurs milliers d’années. Une mission dont il s’acquitte avec succès, améliorant au passage les méthodes de retranscription employées à son époque. L’année suivante, il travaille à Amarna, ancienne capitale du pharaon Akhenaton, puis il rejoint Édouard Naville à Deir el-Bahari, où il reproduit cette fois-ci les bas reliefs du temple d’Hatchepsout.

Il ne lui faut que huit ans pour être désigné inspecteur des monuments par le Service des Antiquités Égyptiennes, puis en 1906, il rejoint l’équipe de l’Américain Theodore Davis dans la vallée des Rois. Davis n’est pas un piètre archéologue, loin de là. Durant ses travaux de fouilles entre 1902 et 1913, lui et son personnel découvrent pas moins de 24 tombes, dont celles de Ramsès IV et de Thoutmôsis IV. Mais il commet une erreur critique : en excavant la tombe KV57, il découvre plusieurs objets portant le nom de Toutankhamon, l’amenant à conclure qu’il a mis au jour l’ultime demeure du jeune pharaon, une chimère qui échappe aux plus grands archéologues depuis 100 ans. Celle-ci est en réalité celle d’un autre régent, baptisé Horemheb, mais Davis réalise son erreur trop tard. Alors que le tombeau de Toutankhamon se situe seulement à quelques coups de pelle sous ses pieds, il interrompt ses recherches au bout de quelques années en déclarant que la vallée des Rois a probablement livré tous ses secrets, et passe la concession à un certain lord Carnarvon.

Après un accident de voiture qui l’a irrémédiablement affaibli en 1903, Carnarvon s’est vu exhorter par ses médecins à passer ses hivers hors de l’Angleterre. Avec sa femme, ils choisissent l’Égypte comme rédisence secondaire et tombent amoureux du pays et de son histoire. Collectionneur avide d’antiquités, l’earl anglais commence à financer des chantiers de fouilles dès 1907, où il emploie les services du très apprécié Howard Carter. Un choix qu’il ne regrettera pas car Carter connaît la vallée des Rois comme sa poche, et lorsque les travaux reprennent sous la supervision de Carnarvon en 1914, il a bien l’intention de le mener jusqu’à la tombe de Toutankhamon. La victoire n’est plus très loin, il en est sûr, mais elle se fera encore attendre. Longtemps.

En effet, en 1922, démoralisé par leurs maigres résultats, le lord annonce qu’il s’agira là de leur dernière année de fouilles. Howard est amer mais pas encore vaincu. Avec son équipe, ils explorent chaque recoin, et se tournent finalement vers une rangée de huttes visiblement peu prometteuse qui avait été abandonnée quelques années plus tôt. C’est leur jeune porteur d’eau, Hussein Abdel-Rassoul, qui repère le premier la pierre qui marque l’entrée du tombeau. Une simple marche dissimulée sous les gravats.

Le 4 novembre 1922, Lord Carnarvon, alors en Angleterre, reçoit le télégramme triomphant de Carter :

« Enfin nous avons fait une découverte formidable dans la vallée ; une magnifique tombe aux sceaux intacts ; recouverte jusqu’à votre arrivée ; félicitations ».

Près de trois semaines plus tard, Carter, Carnarvon, sa fille Lady Evelyn et le reste des ouvriers anonymes travaillant sur le site découvrent avec exaltation le cartouche portant le nom du pharaon. Une brèche dans la première porte leur révèle un couloir rempli de gravats qui prendra deux jours à déblayer. Au bout de celui-ci, une nouvelle porte scellée marque l’entrée de l’antichambre. Carter, au comble de l’enthousiasme, pratique une percée suffisamment grande dans la pierre pour pouvoir y passer la tête. Le cœur battant, il avance une bougie allumée par l’ouverture afin de s’assurer qu’aucun gaz nocif ne règne de l’autre côté. Et pendant un instant, le groupe se demande vraiment si Carter, désormais immobile et les yeux écarquillés, n’a pas été victime de quelque empoisonnement. Mais comme celui-ci le raconte :

« Au début, je n’y voyais rien, car l’air chaud s’échappant de la chambre faisait vaciller la flamme ; mais un moment plus tard, alors que mes yeux s’accoutumaient à sa lumière, les détails de la pièce émergèrent doucement de la brume : d’étranges animaux, des statues, et de l’or – partout le scintillement de l’or.»

Après un silence, Carnarvon, inquiet, se penche vers son ami et lui demande s’il parvient à apercevoir quelque chose.

« Oui », répond Carter, « des choses merveilleuses. » Plus de 5.000 objets qu’il faudra près de 8 ans à extraire du tombeau en suivant la méthode d’archivage méticuleuse de Carter. Un triomphe pour l’archéologue et l’ensemble de l’expédition qui demeure à ce jour l’une des plus grandes découvertes jamais réalisées en Egypte. Mais l’histoire ne s’arrête pas là, car comme vous le savez, impossible aujourd’hui de prononcer le nom de Toutankhamon sans parler de la présumée malédiction qui lui serait rattachée.

Deux mois après l’ouverture de la chambre funéraire, à l’âge de 56 ans, Lord Carnarvon meurt d’une terrible infection et immédiatement l’opinion publique s’emballe. Certains proclament qu’il s’agit d’une juste conclusion pour celui qui a désacralisé la tombe d’un roi, tandis que d’autres se perdent en spéculations sur les sorts et les poisons qui ont pu causer la mort du lord. Après tout, on raconte que son canari aurait été dévoré par un cobra, puis que sa servante aurait contracté l’appendicite la veille de l’ouverture du tombeau ! Puis il paraît qu’une épidémie de furoncles est apparue dans plusieurs coins d’Europe le jour de l’ouverture, figurez-vous, et que sa femme est tombée malade dans l’avion qui l’amenait au côté de son mari mourant. Bref, tout le monde y va de son opinion et chaque élément qui pourrait servir à corroborer l’hypothèse plus que vacillante d’une malédiction est mis à contribution. Arthur Conan Doyle lui-même, certes célèbre auteur de Sherlock Holmes mais également fervent défenseur du spiritisme, expose immédiatement son avis aux journaux : la tombe de Toutankhamon était gardée par des élémentaires, des esprits créés par les prêtres du pharaon pour protéger sa dépouille. L’affaire circule dans le monde entier, et l’on raconte que Mussolini, grand superstitieux, se serait débarrassé in extremis de la momie qu’il conservait au palais Chigi par crainte d’être lui aussi victime d’un sort. L’histoire ne tarde pas à se transformer en légende, et durant les années puis les décennies suivantes, les individus les plus influençables continuent de chercher des preuves dans les événements qui suivent la découverte du tombeau. La maladie de Carter en 1924, la mort d’un riche Américain en visite dans la vallée des Rois, puis celle de plusieurs membres de l’équipe qui a découvert la tombe sont autant d’arguments avancés par les crédules. Mais la science se charge vite de démentir ces assertions.

D’après les rapports médicaux, Carnarvon serait mort d’une infection générale doublée d’une pneumonie, conséquences d’une piqûre de moustique mal soignée durant son voyage. Les sceptiques se hâtent d’autre part de démontrer que la plupart des personnes ayant visité la tombe ont vécu sans encombres, puisque sur les 58 individus présents au moment de l’ouverture du tombeau puis du sarcophage, seulement 8 sont morts dans les douze années qui ont suivi, aucun d’entre eux à un âge situé en dessous de l’espérance de vie de l’époque. Les archéologues ont également assuré qu’aucune malédiction n’avait été découverte gravée sur les murs de la chambre, contrairement à ce qu’avançaient certains. Et Howard Carter lui-même affirma que ces histoires de malédictions n’étaient que balivernes et que l’esprit d’un égyptologue ne devait pas se définir par un sentiment de peur idiote, mais par un respect et une admiration profonde pour ce qu’il explore. Et pourtant, aujourd’hui encore la légende de Toutankhamon fait parler d’elle, comme bien d’autres mythes à la peau dure et certains croyances, plus dangereuses.

Howard Carter meurt d’un lymphome de Hodgkin dans son appartement londonien, le 2 mars 1939. Seules neuf personnes seront présentes à l’enterrement de cet éternel solitaire qui ne laisse derrière lui ni compagnon ni enfant, mais un formidable héritage pour le monde de l’archéologie.

En 2015, le chercheur Nicholas Reeves, avec une détermination digne de son prédécesseur, suggère que la tombe de Toutankhamon abriterait les portes de deux chambres encore inexplorées. Après d’âpres débats, des données collectées en 2019 semblent confirmer que des pièces probablement encore remplies de gravats resteraient à explorer derrière ces murs érigés il y a plusieurs milliers d’années.


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