#4.20 Cinq ans de prison, si vous tentez de prévoir les décisions d'un juge
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5 ans de prison, si vous tentez de prévoir la décision d’un juge
… mais comme toujours, les lignes jaunes sont contournables, pour peu que l’on prenne le temps de comprendre la loi.
Je vous parle ici d’une disposition liée à l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le cadre de procédures judiciaires, tentant de prédire quel sera le comportement de tel ou tel juge dans une affaire, et pour les parties prenantes d’adapter leur stratégie.
Aux Etats-Unis, vous l’avez certainement vu dans de nombreuses séries criminelles, la technologie est utilisée pour analyser le profil de jurés, et tenter de prévoir leur positionnement, mais également pour analyser les décisions prises par chaque juge.
Rien de bien nouveau, car les prétoires ont toujours été le berceau de rumeurs et de bruits de couloir : untel donne plutôt raison aux femmes, untel n’aime pas les hispaniques, untel est contre l’autodéfense, etc.
Depuis toujours, les avocats ont imaginé améliorer leur stratégie, persuadés que les juges sont biaisés… tout simplement parce qu’ils sont humains. Un peu comme on commentait au lycée les professeurs qui nous étaient affectés en début d’année, les avocats commentent les juges qui leur sont affectés en début de procès.
Mais au fait, les juges qui portent des lunettes sont-ils plus sévères que ceux qui ont une bonne vue ? Et les juges aux cheveux blancs sont-ils plus tolérants avec les jeunes majeurs ? Quand aux juges qui conduisent une peugeot, sont-ils plus sévères que ceux qui conduisent une Audi, dans les cas de violence conjugale ?
Questions absurdes ? Peut-être. Mais si l’apprentissage machine nous apprenait le contraire. Que l’âge, la vue, la couleur des cheveux, la voiture qu’ils conduisent présentaient une corrélation avec leurs décisions. Si cela était mathématiquement prouvé, qu’est-ce que cela prouverait justement ? Que la justice est humaine, et donc biaisée. Dans ce cas, pourquoi ne pas l’analyser, et en utiliser les résultats ?
Peut-être mais avec des limites très claires. Une loi publiée en 2019 précise en effet que les données nominatives des juges ne peuvent pas être utilisées. Il est donc interdit de prévoir la décision d’un juge en particulier dans une affaire. Mais elle ne peut empêcher la prédiction basée sur des caractéristiques, tant que celles-ci ne permettent pas de remonter à la personne, au juge.
Alors, les juges qui se savent analysés gardent-ils le même comportement ? Où cela va-t-il les inciter modifier leurs décisions ? Les études menées depuis 2019 semblent montrer que globalement ces caractéristiques interviennent très peu dans les décisions. En revanche, les tribunaux, par le profil des affaires qu’ils jugent et leur volume, prennent clairement des sanctions différentes. Entre Bobigny et Versailles, les peines appliquées sont clairement différentes dans certains types d’affaires ?
En viendra-t-on à préférer une justice artificielle, un algorithme qui appliquerait la loi, rien que la loi, sans aucune humanité ? Un film espagnol, Justicia Artificial, devrait d’ailleurs sortir en septembre prochain sur le sujet.
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