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Turquie: Le drone Bayraktar TB2, nouveau héros de la pop culture

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Au début du conflit en Ukraine, fin février 2022, certains équipements militaires ont été mis sur le devant de la scène. Un outil entre tous a bénéficié d’une grande publicité : le drone tactique turc Bayraktar TB2. Utilisé massivement contre l'armée russe, ce drone « low cost » est même allé jusqu’à s’imposer dans la pop culture locale, des chants ayant été composés pour lui rendre hommage. Ce succès illustre l'importance des drones dans le développement de l'industrie de défense turque, mais aussi dans la propagande politique sur la scène intérieure.

De notre correspondante à Istanbul,

Il n'aurait pas rêvé meilleure publicité. Une semaine après le début de l'invasion russe, les forces ukrainiennes publient un clip vidéo à la gloire d'un héros de 650 kilos et 12 mètres d'envergure : le Bayraktar TB2. Un drone que les armées de Kiev utilisent pour bombarder les convois militaires russes, et qui a même aidé à couler le Moskva, le navire amiral de la flotte russe en mer Noire.

Ce drone est turc, sorti des lignes de production de BaykarMakina, entreprise en pleine expansion, symbole des ambitions de l'industrie de défense turque. Dans le dernier classement de l'institut de recherche Sipri, Baykar figure à la 76ème place des entreprises d'armement ayant encaissé le plus de recettes en 2022 dans le monde. Et même si le revenu total de ces entreprises a baissé, c'est tout le contraire pour Baykar. Ses recettes sur un an ont bondi de 94%, un record.

Moins cher que ses concurrents

Si les affaires marchent si bien pour l'entreprise Baykar – dont le directeur technique, Selçuk Bayraktar, est le gendre du président turc Erdogan – c'est que les TB2 sont un vrai succès à l'export. Une trentaine de pays ont signé des contrats, dont une vingtaine ont déjà été livrés, y compris à des alliés de l'Otan comme la Pologne ou l'Albanie, ou en Afrique, de la Somalie au Mali, de l'Éthiopie au Burkina Faso.

« Non seulement il est moins cher que ses concurrents, mais il est efficace, donc le rapport qualité/prix est très intéressant pour les potentiels acheteurs. Il a fait ses preuves sur des terrains très différents, de la Libye à l'Ukraine en passant par le Haut-Karabakh, explique Sine Özakarasahin, consultante défense et sécurité. Le Bayraktar s'est notamment montré efficace pour frapper des cibles parfois difficiles à atteindre par les systèmes conventionnels, tels que les trains ou les convois de soutien logistique. Dernier élément, et non des moindres : la Turquie se montre particulièrement présente, par rapport à ses concurrents, dans ce qu'on pourrait appeler le service après-vente et le partage de technologies avec les pays acheteurs. »

Le drone de combat TB2, son successeur le TB3 et ses cousins plus ambitieux – l'Akinci, le Kizilelma – sont la vitrine d'un objectif de plus de 50 ans, dont Recep Tayyip Erdogan a fait une priorité : l'autonomisation stratégique de l'industrie de défense turque, avant tout pour fournir ses propres forces armées. Le pays est encore loin d'être autosuffisant, mais pour ce qui est des drones, c'est déjà le cas : l'armée turque n'utilise plus que des appareils fabriqués localement, et elle les utilise de façon intensive dans ses opérations contre les séparatistes kurdes – en Syrie, en Irak, mais aussi sur son territoire. Selon Sine Özakarasahin, c'est un autre facteur du succès des drones turcs – succès technologique et succès commercial.

« Lorsque vous proposez un produit à l'export, c'est important de pouvoir expliquer en détail ce qu'il est capable de faire. Comme la Turquie utilise elle-même ses drones dans des conditions de combat réelles, de façon massive et dans des géographies très différentes, elle dispose de données extrêmement précises, obtenues à l'épreuve du terrain, ajoute-t-elle. Cela a un impact important sur sa politique d'exportation, mais aussi pour les producteurs, puisque cela nourrit en permanence leurs efforts de recherche et développement. »

« Diplomatie du drone »

La Turquie mène aussi ce que les experts appellent une « diplomatie du drone ». Les contrats à l'export servent à renforcer les liens avec des pays amis, ou avec lesquels Ankara s'est récemment réconciliée. Et c'est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit de production conjointe, comme c'est le cas avec l'Ukraine, l'Azerbaïdjan et même, plus récemment, l'Arabie saoudite.

Pour le pouvoir turc, les drones de combat sont aussi un outil de propagande sur la scène intérieure, lors des campagnes électorales et chaque année lors du Teknofest, le grand salon de l'armement organisé par l'entreprise Baykar. Les fleurons de l'industrie y présentent leurs derniers modèles à des centaines de milliers de visiteurs. L'événement a beaucoup de succès auprès de la jeunesse.

Mücahit, 21 ans, s'est rendu l'an dernier au Teknofest d'Istanbul, en pleine campagne électorale pour la présidentielle. Au cours de cette campagne, le pouvoir a prétendu que Kemal Kiliçdaroglu, le candidat de l'opposition face à Recep Tayyip Erdogan, donnerait un coup d'arrêt aux projets de développement des drones en cas de victoire dans les urnes. L'opposition n'a rien dit de tel, mais Mücahit y a cru.

« Je n'ai jamais entendu l'opposition dire qu'elle allait continuer à soutenir les projets de drones si elle était élue. Je crois même que Kiliçdaroglu avait menacé de “toucher” aux drones. Qui sont-ils pour dire ça ? Investir dans les drones, ça veut dire augmenter notre indépendance nationale, ça veut dire être capable d'imposer nos positions sur la scène mondiale. »

Des ambitions d'indépendance dont les drones de combat ne sont pas – loin de là – les seuls instruments, mais auxquelles ils contribuent. Ces quatre dernières années, les importations turques d'armement ont baissé d'environ un tiers. Le pays affirme produire aujourd'hui 80% des besoins de sa défense nationale, contre 20% il y a 20 ans.

À lire aussiBayraktar TB2: comment le drone turc, «star» de la guerre en Ukraine, a séduit les armées africaines

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Au début du conflit en Ukraine, fin février 2022, certains équipements militaires ont été mis sur le devant de la scène. Un outil entre tous a bénéficié d’une grande publicité : le drone tactique turc Bayraktar TB2. Utilisé massivement contre l'armée russe, ce drone « low cost » est même allé jusqu’à s’imposer dans la pop culture locale, des chants ayant été composés pour lui rendre hommage. Ce succès illustre l'importance des drones dans le développement de l'industrie de défense turque, mais aussi dans la propagande politique sur la scène intérieure.

De notre correspondante à Istanbul,

Il n'aurait pas rêvé meilleure publicité. Une semaine après le début de l'invasion russe, les forces ukrainiennes publient un clip vidéo à la gloire d'un héros de 650 kilos et 12 mètres d'envergure : le Bayraktar TB2. Un drone que les armées de Kiev utilisent pour bombarder les convois militaires russes, et qui a même aidé à couler le Moskva, le navire amiral de la flotte russe en mer Noire.

Ce drone est turc, sorti des lignes de production de BaykarMakina, entreprise en pleine expansion, symbole des ambitions de l'industrie de défense turque. Dans le dernier classement de l'institut de recherche Sipri, Baykar figure à la 76ème place des entreprises d'armement ayant encaissé le plus de recettes en 2022 dans le monde. Et même si le revenu total de ces entreprises a baissé, c'est tout le contraire pour Baykar. Ses recettes sur un an ont bondi de 94%, un record.

Moins cher que ses concurrents

Si les affaires marchent si bien pour l'entreprise Baykar – dont le directeur technique, Selçuk Bayraktar, est le gendre du président turc Erdogan – c'est que les TB2 sont un vrai succès à l'export. Une trentaine de pays ont signé des contrats, dont une vingtaine ont déjà été livrés, y compris à des alliés de l'Otan comme la Pologne ou l'Albanie, ou en Afrique, de la Somalie au Mali, de l'Éthiopie au Burkina Faso.

« Non seulement il est moins cher que ses concurrents, mais il est efficace, donc le rapport qualité/prix est très intéressant pour les potentiels acheteurs. Il a fait ses preuves sur des terrains très différents, de la Libye à l'Ukraine en passant par le Haut-Karabakh, explique Sine Özakarasahin, consultante défense et sécurité. Le Bayraktar s'est notamment montré efficace pour frapper des cibles parfois difficiles à atteindre par les systèmes conventionnels, tels que les trains ou les convois de soutien logistique. Dernier élément, et non des moindres : la Turquie se montre particulièrement présente, par rapport à ses concurrents, dans ce qu'on pourrait appeler le service après-vente et le partage de technologies avec les pays acheteurs. »

Le drone de combat TB2, son successeur le TB3 et ses cousins plus ambitieux – l'Akinci, le Kizilelma – sont la vitrine d'un objectif de plus de 50 ans, dont Recep Tayyip Erdogan a fait une priorité : l'autonomisation stratégique de l'industrie de défense turque, avant tout pour fournir ses propres forces armées. Le pays est encore loin d'être autosuffisant, mais pour ce qui est des drones, c'est déjà le cas : l'armée turque n'utilise plus que des appareils fabriqués localement, et elle les utilise de façon intensive dans ses opérations contre les séparatistes kurdes – en Syrie, en Irak, mais aussi sur son territoire. Selon Sine Özakarasahin, c'est un autre facteur du succès des drones turcs – succès technologique et succès commercial.

« Lorsque vous proposez un produit à l'export, c'est important de pouvoir expliquer en détail ce qu'il est capable de faire. Comme la Turquie utilise elle-même ses drones dans des conditions de combat réelles, de façon massive et dans des géographies très différentes, elle dispose de données extrêmement précises, obtenues à l'épreuve du terrain, ajoute-t-elle. Cela a un impact important sur sa politique d'exportation, mais aussi pour les producteurs, puisque cela nourrit en permanence leurs efforts de recherche et développement. »

« Diplomatie du drone »

La Turquie mène aussi ce que les experts appellent une « diplomatie du drone ». Les contrats à l'export servent à renforcer les liens avec des pays amis, ou avec lesquels Ankara s'est récemment réconciliée. Et c'est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit de production conjointe, comme c'est le cas avec l'Ukraine, l'Azerbaïdjan et même, plus récemment, l'Arabie saoudite.

Pour le pouvoir turc, les drones de combat sont aussi un outil de propagande sur la scène intérieure, lors des campagnes électorales et chaque année lors du Teknofest, le grand salon de l'armement organisé par l'entreprise Baykar. Les fleurons de l'industrie y présentent leurs derniers modèles à des centaines de milliers de visiteurs. L'événement a beaucoup de succès auprès de la jeunesse.

Mücahit, 21 ans, s'est rendu l'an dernier au Teknofest d'Istanbul, en pleine campagne électorale pour la présidentielle. Au cours de cette campagne, le pouvoir a prétendu que Kemal Kiliçdaroglu, le candidat de l'opposition face à Recep Tayyip Erdogan, donnerait un coup d'arrêt aux projets de développement des drones en cas de victoire dans les urnes. L'opposition n'a rien dit de tel, mais Mücahit y a cru.

« Je n'ai jamais entendu l'opposition dire qu'elle allait continuer à soutenir les projets de drones si elle était élue. Je crois même que Kiliçdaroglu avait menacé de “toucher” aux drones. Qui sont-ils pour dire ça ? Investir dans les drones, ça veut dire augmenter notre indépendance nationale, ça veut dire être capable d'imposer nos positions sur la scène mondiale. »

Des ambitions d'indépendance dont les drones de combat ne sont pas – loin de là – les seuls instruments, mais auxquelles ils contribuent. Ces quatre dernières années, les importations turques d'armement ont baissé d'environ un tiers. Le pays affirme produire aujourd'hui 80% des besoins de sa défense nationale, contre 20% il y a 20 ans.

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