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Au Japon, de plus en plus d'enfants refusent d'aller à l'école
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De plus en plus d’enfants japonais refusent d’aller à l’école. Soit parce qu’ils ne s’y sentent pas en sécurité, car ils sont victimes de harcèlement, soit parce qu’ils ne supportent plus, nerveusement, la pression constante qui pèse sur eux, les enjoignant à l’excellence. 300 000 petits Japonais sont en refus de scolarisation. C’est 22 % de plus que l’an dernier. Et, concrètement, cela veut dire que dans chaque classe, il y a un pupitre qui reste vide tout au long de l’année scolaire.
De notre correspondant à Tokyo,
« T’es moche », « T’es grosse », « Tu pues ! », « Dégage : tu fais honte à notre classe ! », « Tu ne mérites pas de vivre », voilà des exemples des phrases terribles que Yuka, 8 ans, a dû écouter pendant des années. Souffre-douleur de sa classe, elle a vécu un enfer. Un jour, à bout, elle a dit à sa mère, Aiko, qu’elle ne voulait plus aller à l’école. « Je lui ai expliqué que l’instruction étant obligatoire, elle ne pouvait pas sécher les cours. Puis, tous les matins, je l’ai amenée de force à l’école, se rappelle la mère de la petite fille, mais une semaine plus tard, elle m’a dit : "Je n’ai envie que d’une chose : mourir". Ça a été un choc terrible : ce sont les pires mots, je crois, qu’une maman puisse entendre dans la bouche de son enfant. J’ai alors compris combien la situation était gravissime. Et je me suis dit que la seule façon d’éviter la mort de ma fille, c’était que moi-même, je change de vie. Pour être en mesure de lui venir en aide. »
Aiko a pris un congé sans solde pour avoir le temps d’écouter sa fille, de consulter des spécialistes, d’essayer de trouver une solution. Avec succès : début septembre, après plus d’un an d’absence, Yuka a repris le chemin de l’école.
À lire aussi Au Japon, les jeunes de moins en moins intéressés par la parentalité, les autorités s’inquiètent
700 000 élèves japonais sont victimes de harcèlement
Un chiffre en hausse constante depuis vingt ans et sous-évalué, selon les associations, beaucoup de victimes endurant leur calvaire en silence par peur de représailles si elles se confiaient. Un autre facteur est souvent invoqué par les écoliers en refus de scolarisation : le reproche qui leur est fait en permanence de ne jamais en faire assez pour exceller. Harcèlement et pression scolaire sont d’ailleurs intimement liés, selon les experts. Les harceleurs s’en prennent à ceux qui incarnent le moins l’excellence — ceux qui ont de mauvaises notes à l’école ou en sport... —, ces enfants les renvoient à leur propre hantise de ne pas être à la hauteur des attentes.
Des centres d’enseignement spéciaux existent au Japon pour les enfants qui sont en refus de scolarisation. Kawatai et Rikuto, 19 et 14 ans respectivement, fréquentent une école de ce type : « Ici, le "chacun pour soi" n’est pas permis : l’esprit de compétition, être à tout prix le premier de la classe, donc écraser les autres, et tout cela. La règle, c’est l’entraide, se réjouit Kawatai. Le principe, c’est : aucun élève ne progresse si le groupe dans son ensemble ne progresse pas. Ça change la vie... »
Rakuto confirme ce sentiment : « Je me sens en sécurité ici. On fonctionne en petits groupes. Chacun peut progresser à son rythme. Et quand je n’ai pas compris, on ne m’engueule pas : on me félicite de l’avoir dit. Du coup, j’ai repris confiance en moi. On m’a toujours traité de "gosse à problèmes", mais je commence à me dire que, peut-être, je deviendrai un "adulte normal" ».
Mais ces écoles alternatives ne sont pas assez nombreuses et il s’agit souvent d’établissements privés, donc assez chers. Dès lors, 38 % des mineurs japonais en refus de scolarisation — soit plus de 100 000 jeunes — ne sont aucunement pris en charge sur le plan éducatif.
À lire aussiCorée-Japon : étude, mariage, enfant... Une jeunesse sous pression
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De notre correspondant à Tokyo,
« T’es moche », « T’es grosse », « Tu pues ! », « Dégage : tu fais honte à notre classe ! », « Tu ne mérites pas de vivre », voilà des exemples des phrases terribles que Yuka, 8 ans, a dû écouter pendant des années. Souffre-douleur de sa classe, elle a vécu un enfer. Un jour, à bout, elle a dit à sa mère, Aiko, qu’elle ne voulait plus aller à l’école. « Je lui ai expliqué que l’instruction étant obligatoire, elle ne pouvait pas sécher les cours. Puis, tous les matins, je l’ai amenée de force à l’école, se rappelle la mère de la petite fille, mais une semaine plus tard, elle m’a dit : "Je n’ai envie que d’une chose : mourir". Ça a été un choc terrible : ce sont les pires mots, je crois, qu’une maman puisse entendre dans la bouche de son enfant. J’ai alors compris combien la situation était gravissime. Et je me suis dit que la seule façon d’éviter la mort de ma fille, c’était que moi-même, je change de vie. Pour être en mesure de lui venir en aide. »
Aiko a pris un congé sans solde pour avoir le temps d’écouter sa fille, de consulter des spécialistes, d’essayer de trouver une solution. Avec succès : début septembre, après plus d’un an d’absence, Yuka a repris le chemin de l’école.
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Des centres d’enseignement spéciaux existent au Japon pour les enfants qui sont en refus de scolarisation. Kawatai et Rikuto, 19 et 14 ans respectivement, fréquentent une école de ce type : « Ici, le "chacun pour soi" n’est pas permis : l’esprit de compétition, être à tout prix le premier de la classe, donc écraser les autres, et tout cela. La règle, c’est l’entraide, se réjouit Kawatai. Le principe, c’est : aucun élève ne progresse si le groupe dans son ensemble ne progresse pas. Ça change la vie... »
Rakuto confirme ce sentiment : « Je me sens en sécurité ici. On fonctionne en petits groupes. Chacun peut progresser à son rythme. Et quand je n’ai pas compris, on ne m’engueule pas : on me félicite de l’avoir dit. Du coup, j’ai repris confiance en moi. On m’a toujours traité de "gosse à problèmes", mais je commence à me dire que, peut-être, je deviendrai un "adulte normal" ».
Mais ces écoles alternatives ne sont pas assez nombreuses et il s’agit souvent d’établissements privés, donc assez chers. Dès lors, 38 % des mineurs japonais en refus de scolarisation — soit plus de 100 000 jeunes — ne sont aucunement pris en charge sur le plan éducatif.
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