BLOCKBUSTERS INDIENS X LA CHAMBRE D'À CÔTÉ
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C'est officiel, le cinéma en salles en France se porte bien. Le bilan annuel du CNC en atteste avec l'annonce de 181,3 millions d'entrées pour l'année 2024. Soit une reprise post-Covid dépassant toutes les espérances. Avec en bonus une pleine forme pour le cinéma français dont la part de marché surpasserait celle de l'américain. Tout juste si on ne s'autosacre pas champion du monde, en étant l'un des pays à la production locale la plus performante. A priori, les choses devraient même se renforcer au vu d'un agenda de sorties 2025 chargés en succès potentiels. La double hégémonie des films français et américains pourrait toutefois connaître des secousses. Depuis quelques années, le cinéma populaire indien tente une percée sur notre marché, avec un succès grandissant, au point que cette semaine, pas moins de sept films débarquent sur les écrans. Mélo ou film d'action, Polar ou comédie romantique, c'est autant une vitrine spectaculaire qu'une opération blitzkrieg, d'autant plus forte qu'elle a lieu à un moment où le cinéma indien est lui-même en train de bouger, d'un savoir-faire technique de très haut niveau à une part organique délaissée par les blockbusters US de plus en plus désincarnés, les films issus de Kollywood (la région de Madras) et Tollywood (celle d'Hyderabad) ont pris la main. Certains réalisateurs, comme Nikil Nagesh Bhat dont le Kill sorti ici l'été dernier, bottait sérieusement le cul à tous les John Wick ou S.S Rajamouli, tout auréolé du triomphe mondial de R.R.R jusqu'à avoir toqué à la porte des Oscars en 2023, sont déjà perçus comme l'égal d'un Spielberg ou d'un James Cameron. De Vanangaan à Game changer, il n'est pas dit que l'imposante salve de cette semaine inclue un tel phénomène, mais elle reste signe d'un mouvement qu'on ne peut plus négliger, ouvrant une aussi prometteuse que nouvelle Malle des indes.
Mouvement aussi du côté de Pedro Almodóvar qui franchit l'Atlantique pour aller tourner son premier film en langue anglaise. La chose le titillait depuis que Femmes au bord de la crise de nerfs l'avait fait remarquer aux USA. Celles de La Chambre d'à côté sont en crise de conscience, lorsque la meilleure amie d'une romancière réapparait dans sa vie pour lui demander de l'assister dans son suicide programmé. Peut-être est-ce que parce que l'euthanasie est légalisée depuis 2021 en Espagne que le réalisateur est parti ailleurs pour aborder le sujet. Mais aussi en faire un film étonnamment paisible, sans doute trop, laissant les clés à un fantastique duo d'actrices, Julianne Moore et Tilda Swinton. En matière d'écriture ou de mise en scène, La Chambre d'à côté est en conduite automatique, noyé dans une déco glamour ou rien ne dépasse, obstacle à toute l'émotion nécessaire. Lit mortuaire trop bordé, sans un pli sur ses draps, cette chambre est un élégant salon d'esthète, qui confond toiles de maitres et copies, certes bien exécutées des tourments bergmaniens ou des teintes mélo d'un Douglas Sirk, mais qui manque terriblement d'âme pour raconter comment les proches des défunts continuent à respirer une fois leur dernier souffle rendu. Au point que l'on ait envie d'aller sur la pointe des pieds refermer la porte sur cette rutilante, mais impersonnelle parenthèse américaine.
Nessipaya, Rekachitaram,Vanangaan, Daaku Maharaaj, Identity, Vidda Muyarchi, Game changer / La chambre d'à côté. En salles le 8 janvier.
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