Artwork

Contenu fourni par France Médias Monde. Tout le contenu du podcast, y compris les épisodes, les graphiques et les descriptions de podcast, est téléchargé et fourni directement par France Médias Monde ou son partenaire de plateforme de podcast. Si vous pensez que quelqu'un utilise votre œuvre protégée sans votre autorisation, vous pouvez suivre le processus décrit ici https://fr.player.fm/legal.
Player FM - Application Podcast
Mettez-vous hors ligne avec l'application Player FM !

Jean-Pierre Augé (ex-DGSE): «Il est très difficile de déterminer le jour d'un putsch»

14:53
 
Partager
 

Manage episode 427290346 series 127992
Contenu fourni par France Médias Monde. Tout le contenu du podcast, y compris les épisodes, les graphiques et les descriptions de podcast, est téléchargé et fourni directement par France Médias Monde ou son partenaire de plateforme de podcast. Si vous pensez que quelqu'un utilise votre œuvre protégée sans votre autorisation, vous pouvez suivre le processus décrit ici https://fr.player.fm/legal.

Les services secrets français sont-ils encore efficaces en Afrique ? La question se pose après la série de putschs au Sahel qui ont pris les autorités françaises au dépourvu. Beaucoup disent d'ailleurs que c'est à la suite du coup d'État au Niger, il y a un an, que Bernard Emié, le patron de la DGSE, a été limogé par le président Macron. Témoignage aujourd'hui d'un ancien officier français, qui a été en poste au Niger, au Tchad et en Côte d'Ivoire, avant de diriger le « secteur Afrique Noire » de la DGSE à Paris. Jean-Pierre Augé vient de publier « Afrique Adieu », aux éditions Mareuil. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Jean-Pierre Augé, dans votre livre, vous racontez que vous avez été d'abord en poste au Niger comme officier de liaison. C'était dans les années 1990. Or, il se trouve que c'est sans doute le Niger qui a fait tomber Bernard Emié, le patron de la DGSE, à la fin de l'année dernière. Il semble en effet que le président français Emmanuel Macron lui ait reproché de ne pas avoir vu venir le putsch militaire du 26 juillet 2023 à Niamey. Est-ce que ce reproche vous paraît justifié ?

Jean-Pierre Augé : Ce que je sais, c'est qu’il est très difficile de déterminer le jour d'un putsch. Les complots, les Africains qui se livrent à ce genre d'exercice, généralement, s'y prennent au dernier moment, ce qui explique que nombre de complots échouent. Parce que c'est toujours dans la précipitation. C'est pour ça que ça ne me paraît pas très justifié de dire, qu’ils n’ont pas prévu le complot. Quand quelque chose ne va pas, il faut bien trouver un coupable.

Alors vous êtes d'abord en poste au Niger, puis au Tchad, toujours dans les années 1990. Et donc, en 1996, Idriss Déby est au pouvoir depuis 6 ans, il organise une élection présidentielle, sa première. Son directeur de cabinet, Timan Erdimi, vous informe sous le sceau de la confidence qu'il a gagné dès le premier tour et, à ce moment-là, vous appelez Paris. Qu'est ce qui se passe ?

Oui, mon travail est d'informer aussitôt de la victoire du Président. Donc, je le fais. Et Paris m’invite à voir le Président et à lui dire que cette victoire de 60% risque de ne pas être très appréciée par toute la communauté internationale et notamment nos amis américains. Parce qu'il faut replacer cet événement. Les Américains ont soutenu Habré jusqu'au bout. Donc, 6 ans après, les Américains notamment avaient quand même des raisons de douter de l’exactitude des résultats. Donc, Paris propose un 2e tour. Pourquoi ? Parce que l'élection d’Idriss Déby, elle était inéluctable. En fait, c'était une façon de la présenter mieux, de dire : il a accepté un 2e tour.

Donc vous appelez Paris et Paris vous demande d'aller voir le Président Déby et de lui dire quoi ?

Il fallait trouver les mots. Idriss Déby n'est pas homme à se plier aux caprices ou aux injonctions. Donc, il m'a fallu trouver les mots et les mots, ils étaient simples. Autant être relativement bien vu par le maximum de pays, donc pourquoi pas ? Et après quelques secondes, de longues secondes de réflexion,

Et de silence

Oui, Idriss Déby a convenu de l'intérêt de cette formule.

Et du coup, il organise un 2e tour qu’il emporte officiellement face à Abdelkader Kamougué. Mais quelques années plus tard, plusieurs hauts magistrats tchadiens reconnaissent que les résultats d'alors avaient été trafiqués. À votre avis, quels ont été les vrais résultats de cette présidentielle ?

Je n'en ai aucune idée. Ce qui peut paraître surprenant effectivement, c'est que le Sud ne lui était pas acquis et le Sud est quand même important, au point de vue démographique. Si on ne s'en tient qu'aux seuls Zaghawas déjà divisés entre eux... Mais bon, c'est comme ça. L’Afrique a un lien avec la force. Moi, ce que je reconnais à Idriss Déby, c'est 30 ans de paix dans son pays, ce qui est quand même un bon résultat.

Alors, autre pays africain où vous avez été en poste, la Côte d'Ivoire. Un putsch surprend la France, c'est celui de décembre 1999 contre le président Henri Konan Bédié. À l'époque, vous êtes justement chargé de mission à la présidence ivoirienne. Est ce que vous avez vu venir quelque chose ?

Je n'ai pas vu venir le putsch. D’ailleurs, même le putschiste était un peu un putschiste malgré lui. Le général Robert Gueï, on est venu le chercher. En revanche, j'ai senti que le régime Bédié n’était quand même pas très solide. On va dire ça comme ça. Et j'ai envoyé des choses [à Paris] qui devaient peut-être un peu surprendre. Et je me suis rendu compte assez vite, donc, que ce Président Bédié, ce n’était pas Félix Houphouët-Boigny, voilà ! Alors, a-t-on tenu compte de mes mots ? Je le pense. Mais de là à dire que quelques soldats se mutineraient un jour pour être mieux payés et entraîneraient, avec eux, la chute de Bédié… Moi-même, j'ai appelé son directeur de cabinet pour lui dire d'être dur, répressif. Surtout pour ne pas laisser cette mutinerie se développer, parce que ce n’est jamais très bon. Il ne l'a pas fait et, le lendemain, il était par terre. Mais je vous dis, ces putschs et complots partent de pas grand-chose. Parfois, une étincelle, un mécontentement, et c'est parti.

Certains y ont vu la main d'Alassane Ouattara ?

Non. Alors ça, je me trompe peut-être, mais je ne le crois pas du tout. Parce que Alassane Ouattaraest trop intelligent pour confier à quelques zèbres le soin de… Ils seraient tombés sur un Président qui avait une poigne, un petit peu de poigne, ça ne serait pas allé bien loin.

À lire aussiAlain Chouet (ex-DGSE): «Quand on a des choses secrètes à dire, on le dit sur des réseaux secrets»

  continue reading

84 episodes

Artwork
iconPartager
 
Manage episode 427290346 series 127992
Contenu fourni par France Médias Monde. Tout le contenu du podcast, y compris les épisodes, les graphiques et les descriptions de podcast, est téléchargé et fourni directement par France Médias Monde ou son partenaire de plateforme de podcast. Si vous pensez que quelqu'un utilise votre œuvre protégée sans votre autorisation, vous pouvez suivre le processus décrit ici https://fr.player.fm/legal.

Les services secrets français sont-ils encore efficaces en Afrique ? La question se pose après la série de putschs au Sahel qui ont pris les autorités françaises au dépourvu. Beaucoup disent d'ailleurs que c'est à la suite du coup d'État au Niger, il y a un an, que Bernard Emié, le patron de la DGSE, a été limogé par le président Macron. Témoignage aujourd'hui d'un ancien officier français, qui a été en poste au Niger, au Tchad et en Côte d'Ivoire, avant de diriger le « secteur Afrique Noire » de la DGSE à Paris. Jean-Pierre Augé vient de publier « Afrique Adieu », aux éditions Mareuil. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Jean-Pierre Augé, dans votre livre, vous racontez que vous avez été d'abord en poste au Niger comme officier de liaison. C'était dans les années 1990. Or, il se trouve que c'est sans doute le Niger qui a fait tomber Bernard Emié, le patron de la DGSE, à la fin de l'année dernière. Il semble en effet que le président français Emmanuel Macron lui ait reproché de ne pas avoir vu venir le putsch militaire du 26 juillet 2023 à Niamey. Est-ce que ce reproche vous paraît justifié ?

Jean-Pierre Augé : Ce que je sais, c'est qu’il est très difficile de déterminer le jour d'un putsch. Les complots, les Africains qui se livrent à ce genre d'exercice, généralement, s'y prennent au dernier moment, ce qui explique que nombre de complots échouent. Parce que c'est toujours dans la précipitation. C'est pour ça que ça ne me paraît pas très justifié de dire, qu’ils n’ont pas prévu le complot. Quand quelque chose ne va pas, il faut bien trouver un coupable.

Alors vous êtes d'abord en poste au Niger, puis au Tchad, toujours dans les années 1990. Et donc, en 1996, Idriss Déby est au pouvoir depuis 6 ans, il organise une élection présidentielle, sa première. Son directeur de cabinet, Timan Erdimi, vous informe sous le sceau de la confidence qu'il a gagné dès le premier tour et, à ce moment-là, vous appelez Paris. Qu'est ce qui se passe ?

Oui, mon travail est d'informer aussitôt de la victoire du Président. Donc, je le fais. Et Paris m’invite à voir le Président et à lui dire que cette victoire de 60% risque de ne pas être très appréciée par toute la communauté internationale et notamment nos amis américains. Parce qu'il faut replacer cet événement. Les Américains ont soutenu Habré jusqu'au bout. Donc, 6 ans après, les Américains notamment avaient quand même des raisons de douter de l’exactitude des résultats. Donc, Paris propose un 2e tour. Pourquoi ? Parce que l'élection d’Idriss Déby, elle était inéluctable. En fait, c'était une façon de la présenter mieux, de dire : il a accepté un 2e tour.

Donc vous appelez Paris et Paris vous demande d'aller voir le Président Déby et de lui dire quoi ?

Il fallait trouver les mots. Idriss Déby n'est pas homme à se plier aux caprices ou aux injonctions. Donc, il m'a fallu trouver les mots et les mots, ils étaient simples. Autant être relativement bien vu par le maximum de pays, donc pourquoi pas ? Et après quelques secondes, de longues secondes de réflexion,

Et de silence

Oui, Idriss Déby a convenu de l'intérêt de cette formule.

Et du coup, il organise un 2e tour qu’il emporte officiellement face à Abdelkader Kamougué. Mais quelques années plus tard, plusieurs hauts magistrats tchadiens reconnaissent que les résultats d'alors avaient été trafiqués. À votre avis, quels ont été les vrais résultats de cette présidentielle ?

Je n'en ai aucune idée. Ce qui peut paraître surprenant effectivement, c'est que le Sud ne lui était pas acquis et le Sud est quand même important, au point de vue démographique. Si on ne s'en tient qu'aux seuls Zaghawas déjà divisés entre eux... Mais bon, c'est comme ça. L’Afrique a un lien avec la force. Moi, ce que je reconnais à Idriss Déby, c'est 30 ans de paix dans son pays, ce qui est quand même un bon résultat.

Alors, autre pays africain où vous avez été en poste, la Côte d'Ivoire. Un putsch surprend la France, c'est celui de décembre 1999 contre le président Henri Konan Bédié. À l'époque, vous êtes justement chargé de mission à la présidence ivoirienne. Est ce que vous avez vu venir quelque chose ?

Je n'ai pas vu venir le putsch. D’ailleurs, même le putschiste était un peu un putschiste malgré lui. Le général Robert Gueï, on est venu le chercher. En revanche, j'ai senti que le régime Bédié n’était quand même pas très solide. On va dire ça comme ça. Et j'ai envoyé des choses [à Paris] qui devaient peut-être un peu surprendre. Et je me suis rendu compte assez vite, donc, que ce Président Bédié, ce n’était pas Félix Houphouët-Boigny, voilà ! Alors, a-t-on tenu compte de mes mots ? Je le pense. Mais de là à dire que quelques soldats se mutineraient un jour pour être mieux payés et entraîneraient, avec eux, la chute de Bédié… Moi-même, j'ai appelé son directeur de cabinet pour lui dire d'être dur, répressif. Surtout pour ne pas laisser cette mutinerie se développer, parce que ce n’est jamais très bon. Il ne l'a pas fait et, le lendemain, il était par terre. Mais je vous dis, ces putschs et complots partent de pas grand-chose. Parfois, une étincelle, un mécontentement, et c'est parti.

Certains y ont vu la main d'Alassane Ouattara ?

Non. Alors ça, je me trompe peut-être, mais je ne le crois pas du tout. Parce que Alassane Ouattaraest trop intelligent pour confier à quelques zèbres le soin de… Ils seraient tombés sur un Président qui avait une poigne, un petit peu de poigne, ça ne serait pas allé bien loin.

À lire aussiAlain Chouet (ex-DGSE): «Quand on a des choses secrètes à dire, on le dit sur des réseaux secrets»

  continue reading

84 episodes

All episodes

×
 
Loading …

Bienvenue sur Lecteur FM!

Lecteur FM recherche sur Internet des podcasts de haute qualité que vous pourrez apprécier dès maintenant. C'est la meilleure application de podcast et fonctionne sur Android, iPhone et le Web. Inscrivez-vous pour synchroniser les abonnements sur tous les appareils.

 

Guide de référence rapide