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#137 – Le Géant empêtré

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En plateau

Anne de Tinguy, historienne et politologue, professeur émérite des universités à l’Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales), chercheuse au CERI (Centre de recherches internationales) de Sciences Po et ancienne auditrice de l’IHEDN (Institut des hautes études de défense nationale), publie Le Géant empêtré. La Russie et le monde de la fin de l’URSS à l’invasion de l’Ukraine aux éditions Perrin.

Contexte

Spécialiste de la Russie, en particulier de sa politique étrangère, Anne de Tinguy souligne d’emblée que la Russie est difficile à comprendre. En interrogeant le rapport de la Russie avec le monde extérieur, l’observateur est en effet confronté à une situation paradoxale. La Russie est un géant doté de formidables atouts : une profondeur stratégique grâce à l’immensité de son territoire, des richesses en matières premières, un marché du travail dynamique (du moins jusqu’à une période récente), une population bien formée, un formidable héritage culturel.

Autant d’atouts qui font d’elle un acteur incontournable des relations internationales, d’autant plus qu’elle a une ambition de puissance séculaire, datant de l’époque tsariste, qui a perduré durant l’époque soviétique et à laquelle elle n’a pas renoncé à la fin de la Guerre froide et lors de l’implosion de l’Union soviétique. Qu’il s’agisse des élites ou bien des Russes en général, les uns et les autres considèrent que leur pays est voué à être une grande puissance du fait de son histoire et de sa géographie. Telle est la carte mentale imprimant leur vision pérenne du monde. Cette puissance peut être momentanément affaiblie (comme à la fin de l’Union soviétique), mais est appelée à se redresser. Mais, cette ambition de puissance est devenue chez Vladimir Poutine une obsession, depuis son arrivée au pouvoir, il y a 20 ans déjà.

Comment en est-on arrivé là où nous en sommes aujourd’hui, avec l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022 et la guerre qui fait rage depuis ? Anne de Tinguy s’interroge : Poutine représente-t-il une parenthèse ou bien, au contraire, l’époque de la Perestroïka et de la Glasnostinitiée par Gorbatchev, et poursuivie par Eltsine, est-elle une parenthèse ? Comment la Russie est-elle un géant empêtré ayant du mal à transformer ses atouts et rentabiliser son potentiel à son avantage ? Quel rôle joue dans l’histoire russe sa préoccupation identitaire (une constante) caractérisée notamment par une tension durable entre pro-européens et pro-eurasiatiques, tropisme eurasien ou tropisme occidental et la question de savoir qui sont les alliés « naturels » de la Russie ?

Anne de Tinguy rappelle que le choix du recours à la force, effectué par Poutine, marque une rupture par rapport à la décision historique de Gorbatchev de ne pas envoyer l’armée réprimer les désirs de liberté et la volonté d’indépendance des peuples d’Europe centrale et orientale, soviétisés ou satellisés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, lorsque ces derniers ont voulu faire sécession de l’Union soviétique. C’est aussi une rupture nette avec la décision de mettre fin à la course aux armements et de s’engager dans des processus de désarmement nucléaire et conventionnel, prise par Gorbatchev. Décision non remise en cause par Eltsine, mais par l’actuel dirigeant russe lorsqu’il donne la priorité à l’outil militaire et à la conflictualité, convaincu que la Russie ne sera respectée que si elle est forte militairement. La guerre de 2008 qui opposa la Géorgie et la Russie, où des avions russes furent abattus par erreur par des tirs amis (russes), cette guerre de 5 jours, révélant de nombreux dysfonctionnements et la faiblesse de l’armée russe, conduisit Poutine à lancer une grande réforme des forces armées. Ce privilège accordé à l’outil militaire et à des leviers non militaires (tels que la propagande, la cyber-attaque, etc.) se manifesta sur le terrain en Syrie, en Afrique, en Amérique latine, aux dépens du développement interne, économique du pays et de sa modernisation. L’annexion de la Crimée en 2014 est un prélude au changement de paradigme.

Comment la Russie sortira-t-elle de ce conflit dont on ignore quand il prendra fin ? Tragédie pour l’Ukraine, pour la Russie, et pour l’Europe qui se retrouve divisée. En voulant récupérer l’Ukraine dans le giron russe, Poutine l’a perdue. La fracture est profonde et durable. Comment Poutine a-t-il pu sous-évaluer à ce point la situation, le rapport de forces, la détermination des Ukrainiens à défendre leur indépendance et intégrité territoriale ? Aujourd’hui, la Russie isolée n’a que la Biélorussie comme allié. L’alliance de revers que pourrait constituer son partenariat avec la Chine tourne progressivement à son désavantage conduisant à sa vassalisation.

Quant à la question de l’humiliation de la Russie, Anne de Tinguy rappelle que si humiliation il y a eu, on aurait tort d’en imputer la seule responsabilité aux occidentaux. La Russie fut humiliée lorsque ses nations satellisées d’Europe centrale et orientale, ainsi que les 14 Républiques soviétisées de l’Union soviétique la lâchèrent du jour au lendemain en proclamant toutes leur indépendance en 1991, sans jamais depuis remettre en cause depuis 30 ans leur volonté de se séparer de la Russie.

A l’oreille

  • Stravinsky – L’oiseau de feu, 2ème tableau
  • Moussorsky – Boris Godounov, prologue et début de l’acte un
  • Rachmaninoff – Symphonie n°2, premier mouvement : largo-allegro moderato

Pour aller plus loin

Anne de Tinguy, Le Géant empêtré. La Russie et le monde de la fin de l’URSS à l’invasion de l’Ukraine, éditions Perrin

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Contexte

Spécialiste de la Russie, en particulier de sa politique étrangère, Anne de Tinguy souligne d’emblée que la Russie est difficile à comprendre. En interrogeant le rapport de la Russie avec le monde extérieur, l’observateur est en effet confronté à une situation paradoxale. La Russie est un géant doté de formidables atouts : une profondeur stratégique grâce à l’immensité de son territoire, des richesses en matières premières, un marché du travail dynamique (du moins jusqu’à une période récente), une population bien formée, un formidable héritage culturel.

Autant d’atouts qui font d’elle un acteur incontournable des relations internationales, d’autant plus qu’elle a une ambition de puissance séculaire, datant de l’époque tsariste, qui a perduré durant l’époque soviétique et à laquelle elle n’a pas renoncé à la fin de la Guerre froide et lors de l’implosion de l’Union soviétique. Qu’il s’agisse des élites ou bien des Russes en général, les uns et les autres considèrent que leur pays est voué à être une grande puissance du fait de son histoire et de sa géographie. Telle est la carte mentale imprimant leur vision pérenne du monde. Cette puissance peut être momentanément affaiblie (comme à la fin de l’Union soviétique), mais est appelée à se redresser. Mais, cette ambition de puissance est devenue chez Vladimir Poutine une obsession, depuis son arrivée au pouvoir, il y a 20 ans déjà.

Comment en est-on arrivé là où nous en sommes aujourd’hui, avec l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022 et la guerre qui fait rage depuis ? Anne de Tinguy s’interroge : Poutine représente-t-il une parenthèse ou bien, au contraire, l’époque de la Perestroïka et de la Glasnostinitiée par Gorbatchev, et poursuivie par Eltsine, est-elle une parenthèse ? Comment la Russie est-elle un géant empêtré ayant du mal à transformer ses atouts et rentabiliser son potentiel à son avantage ? Quel rôle joue dans l’histoire russe sa préoccupation identitaire (une constante) caractérisée notamment par une tension durable entre pro-européens et pro-eurasiatiques, tropisme eurasien ou tropisme occidental et la question de savoir qui sont les alliés « naturels » de la Russie ?

Anne de Tinguy rappelle que le choix du recours à la force, effectué par Poutine, marque une rupture par rapport à la décision historique de Gorbatchev de ne pas envoyer l’armée réprimer les désirs de liberté et la volonté d’indépendance des peuples d’Europe centrale et orientale, soviétisés ou satellisés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, lorsque ces derniers ont voulu faire sécession de l’Union soviétique. C’est aussi une rupture nette avec la décision de mettre fin à la course aux armements et de s’engager dans des processus de désarmement nucléaire et conventionnel, prise par Gorbatchev. Décision non remise en cause par Eltsine, mais par l’actuel dirigeant russe lorsqu’il donne la priorité à l’outil militaire et à la conflictualité, convaincu que la Russie ne sera respectée que si elle est forte militairement. La guerre de 2008 qui opposa la Géorgie et la Russie, où des avions russes furent abattus par erreur par des tirs amis (russes), cette guerre de 5 jours, révélant de nombreux dysfonctionnements et la faiblesse de l’armée russe, conduisit Poutine à lancer une grande réforme des forces armées. Ce privilège accordé à l’outil militaire et à des leviers non militaires (tels que la propagande, la cyber-attaque, etc.) se manifesta sur le terrain en Syrie, en Afrique, en Amérique latine, aux dépens du développement interne, économique du pays et de sa modernisation. L’annexion de la Crimée en 2014 est un prélude au changement de paradigme.

Comment la Russie sortira-t-elle de ce conflit dont on ignore quand il prendra fin ? Tragédie pour l’Ukraine, pour la Russie, et pour l’Europe qui se retrouve divisée. En voulant récupérer l’Ukraine dans le giron russe, Poutine l’a perdue. La fracture est profonde et durable. Comment Poutine a-t-il pu sous-évaluer à ce point la situation, le rapport de forces, la détermination des Ukrainiens à défendre leur indépendance et intégrité territoriale ? Aujourd’hui, la Russie isolée n’a que la Biélorussie comme allié. L’alliance de revers que pourrait constituer son partenariat avec la Chine tourne progressivement à son désavantage conduisant à sa vassalisation.

Quant à la question de l’humiliation de la Russie, Anne de Tinguy rappelle que si humiliation il y a eu, on aurait tort d’en imputer la seule responsabilité aux occidentaux. La Russie fut humiliée lorsque ses nations satellisées d’Europe centrale et orientale, ainsi que les 14 Républiques soviétisées de l’Union soviétique la lâchèrent du jour au lendemain en proclamant toutes leur indépendance en 1991, sans jamais depuis remettre en cause depuis 30 ans leur volonté de se séparer de la Russie.

A l’oreille

  • Stravinsky – L’oiseau de feu, 2ème tableau
  • Moussorsky – Boris Godounov, prologue et début de l’acte un
  • Rachmaninoff – Symphonie n°2, premier mouvement : largo-allegro moderato

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