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Au Japon, «tous les jours, le travail tue»
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Au Japon, un tournant majeur – « historique », dit la presse – pour des dizaines de millions de salariés : le gouvernement compte interdire aux entreprises de faire travailler leur personnel pendant plus de 14 jours consécutifs. Deux semaines sans la moindre pause, cela paraît assez invraisemblable partout ailleurs, mais il faut savoir que dans l'archipel, rien n'empêche les entreprises de priver leurs employés de congés durant 48 jours d'affilée. La loi va donc être durcie, l'objectif étant de réduire le nombre de Japonais qui meurent d'avoir trop travaillé.
De notre correspondant à Tokyo,
La vie d'Emiko Sato a basculé, il y a onze ans. Quand sa fille, Mika, qui était journaliste à la télévision publique NHK, est décédée d'un arrêt cardiaque alors qu'elle n'avait que 31 ans. Après avoir travaillé pendant plusieurs semaines sans prendre le moindre congé, à raison de douze à quinze heures par jour. « Au Japon, tous les jours, le travail tue. Année après année, cette tragédie se répète inexorablement, car beaucoup d'entreprises sans scrupules maltraitent leur personnel. Ce n'est pas une loi qui changera les choses : c'est vous. Soyez à l'écoute des gens qui vous entourent et qui souffrent au travail. Je vous en supplie : protégez-les. Vous seuls pouvez leur sauver la vie. »
Chaque année au Japon, plusieurs dizaines de salariés meurent d'avoir trop travaillé. Soit parce qu'ils succombent à un accident grave de santé survenu au bureau : un AVC ou un infarctus, par exemple. Soit parce que, épuisés physiquement et nerveusement, ils mettent fin à leurs jours, jugeant que leur vie n'a plus de sens. L'an dernier, près de 900 salariés nippons – un nombre record – ont été mis en arrêt maladie en raison de graves problèmes de santé mentale dus à leur environnement professionnel.
Ne plus devoir travailler pendant des semaines sans le moindre jour de congé : ces salariés tokyoïtes saluent la réforme annoncée. Pour autant, ni l'enthousiasme, ni l'optimisme ne semblent de mise : « Cela fait des années qu'il aurait fallu interdire aux entreprises de forcer leurs employés à travailler durant 48 jours d'affilée. En ayant tant tardé à légiférer, nos hommes politiques se sont rendus coupables de non-assistance à personnes en danger. » Cet autre employé n'a pas vraiment le choix : « Moi, de toute façon, je dois travailler six jours par semaine, donc le samedi aussi. Sinon, je ne m'en sors pas financièrement, à la fin du mois, mon salaire ayant beaucoup moins augmenté que le coût de la vie. »
À lire aussiLes travailleurs japonais rêvent de pouvoir déconnecter après leur travail
Seulement dix jours de congé par an
Cette employée pense qu'il sera difficile de faire appliquer la loi sous peine d’être « mal vu » : « Quel salarié osera exiger de bénéficier de ce nouveau droit de ne pas devoir trop travailler ? Au Japon, c'est absolument inconcevable de dire non à son employeur ou de le traîner en justice s'il enfreint la loi, c'est signer son arrêt de mort professionnel. »
Les salariés japonais ne prennent que la moitié des jours de congé auxquels ils ont droit. Ce qui, au bout du compte, ne fait que 10 jours de vacances par an – 10,9, très précisément. Car s'absenter trop souvent est mal vu et considéré comme un manque de dévouement à son employeur. La réforme annoncée par le gouvernement a beau être considérée comme un basculement historique, il n'est pas sûr qu'elle changera ce trait majeur de la culture d'entreprise nippone, qui occasionne tant de souffrances aux travailleurs.
Des études comparatives internationales montrent que seuls 60% des Japonais sont satisfaits de leur travail et ont le sentiment de s'y épanouir : un taux nettement moins élevé que dans la plupart des grands pays industrialisés.
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Au Japon, un tournant majeur – « historique », dit la presse – pour des dizaines de millions de salariés : le gouvernement compte interdire aux entreprises de faire travailler leur personnel pendant plus de 14 jours consécutifs. Deux semaines sans la moindre pause, cela paraît assez invraisemblable partout ailleurs, mais il faut savoir que dans l'archipel, rien n'empêche les entreprises de priver leurs employés de congés durant 48 jours d'affilée. La loi va donc être durcie, l'objectif étant de réduire le nombre de Japonais qui meurent d'avoir trop travaillé.
De notre correspondant à Tokyo,
La vie d'Emiko Sato a basculé, il y a onze ans. Quand sa fille, Mika, qui était journaliste à la télévision publique NHK, est décédée d'un arrêt cardiaque alors qu'elle n'avait que 31 ans. Après avoir travaillé pendant plusieurs semaines sans prendre le moindre congé, à raison de douze à quinze heures par jour. « Au Japon, tous les jours, le travail tue. Année après année, cette tragédie se répète inexorablement, car beaucoup d'entreprises sans scrupules maltraitent leur personnel. Ce n'est pas une loi qui changera les choses : c'est vous. Soyez à l'écoute des gens qui vous entourent et qui souffrent au travail. Je vous en supplie : protégez-les. Vous seuls pouvez leur sauver la vie. »
Chaque année au Japon, plusieurs dizaines de salariés meurent d'avoir trop travaillé. Soit parce qu'ils succombent à un accident grave de santé survenu au bureau : un AVC ou un infarctus, par exemple. Soit parce que, épuisés physiquement et nerveusement, ils mettent fin à leurs jours, jugeant que leur vie n'a plus de sens. L'an dernier, près de 900 salariés nippons – un nombre record – ont été mis en arrêt maladie en raison de graves problèmes de santé mentale dus à leur environnement professionnel.
Ne plus devoir travailler pendant des semaines sans le moindre jour de congé : ces salariés tokyoïtes saluent la réforme annoncée. Pour autant, ni l'enthousiasme, ni l'optimisme ne semblent de mise : « Cela fait des années qu'il aurait fallu interdire aux entreprises de forcer leurs employés à travailler durant 48 jours d'affilée. En ayant tant tardé à légiférer, nos hommes politiques se sont rendus coupables de non-assistance à personnes en danger. » Cet autre employé n'a pas vraiment le choix : « Moi, de toute façon, je dois travailler six jours par semaine, donc le samedi aussi. Sinon, je ne m'en sors pas financièrement, à la fin du mois, mon salaire ayant beaucoup moins augmenté que le coût de la vie. »
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Les salariés japonais ne prennent que la moitié des jours de congé auxquels ils ont droit. Ce qui, au bout du compte, ne fait que 10 jours de vacances par an – 10,9, très précisément. Car s'absenter trop souvent est mal vu et considéré comme un manque de dévouement à son employeur. La réforme annoncée par le gouvernement a beau être considérée comme un basculement historique, il n'est pas sûr qu'elle changera ce trait majeur de la culture d'entreprise nippone, qui occasionne tant de souffrances aux travailleurs.
Des études comparatives internationales montrent que seuls 60% des Japonais sont satisfaits de leur travail et ont le sentiment de s'y épanouir : un taux nettement moins élevé que dans la plupart des grands pays industrialisés.
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