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Soudan du Sud: Pita, le rocher sacré qui raconte les origines de la ville de Juba [4/4]
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La fin de notre série sur les « objets d’histoire » en Afrique. À Juba, la capitale du Soudan du Sud, ville fondée au début des années 1920 par les autorités coloniales britanniques, l'ethnie autochtone des Bari essaye de protéger une pièce unique de son patrimoine, la pierre sacrée du nom de Pita. Celle-ci incarne leur mémoire et celle des origines de la ville.
De notre correspondante au Soudan du Sud,
Juba, la capitale du Soudan du Sud, a été fondée au tout début des années 1920 par les autorités coloniales britanniques sur les terres ancestrales d’une ethnie autochtone, les Bari. Depuis, la ville s’est développée, grossissant toujours plus vite, notamment depuis l’indépendance du pays en 2011. Son expansion conduit à la disparition progressive du patrimoine historique de la ville, avec, par exemple, la destruction de bâtiments datant de l’époque coloniale.
Pour les Bari originaires de Juba, préserver, sinon leurs terres, au moins leur patrimoine culturel est un défi indispensable face aux grands changements en cours. Parmi les sites Bari traditionnels préservés, il y a une pierre sacrée du nom de Pita qui incarne la mémoire des Bari de Juba, et avec elle, celle des origines de la ville.
Dans cet endroit protégé des regards par un haut mur d’enceinte, situé à l’arrière d’un grand supermarché de la capitale sud-soudanaise, à proximité du Nil, une porte cadenassée permet d’accéder à une sorte de terrain vague. Ce dernier est parsemé de rochers de toutes tailles, sombres et arrondis, assez typiques à Juba. « Regardez, nous nous approchons de la pierre, nous avertit Stanslaus Tombe, porte-parole du Conseil de la communauté Bari, C’est là que se trouve notre ancêtre. L’origine de cette ville, c’est la base de cette pierre que nous appelons Pita. Pita, c’est le nom d’une personne, c’est celui que nous donnons à la quatrième fille qui naît dans une famille Bari. »
Selon la croyance, Pita aurait été enterrée ici, sous cette pierre, après avoir été sacrifiée par les siens, il y a très longtemps, comme l’explique Lino Loro Gore, chef traditionnel du quartier où nous nous trouvons, Juba Nabari : « C’était une période de crise. Les villageois se sont réunis et se sont demandé : comment allons-nous y mettre fin ? Ils ont décidé que Pita devait être enterrée vivante. Pita était une jeune vierge. Elle a dû être sacrifiée pour que la crise s’arrête. »
Le chef pense que cet épisode a pu avoir lieu du temps des premières invasions coloniales et des raids d’esclaves qui ont ravagé cette région à partir du XVIIIème siècle. Depuis, Pita s’est inscrite dans la mythologie Bari, dans les contes et l'histoire orale, où elle apparaît comme une figure protectrice, dotée de pouvoirs surnaturels. C’est la défenseuse de la terre.
À plus de 80 ans, Prudencio Legge Lodu continue d’assurer les rituels auprès de Pita, il est le chef spirituel qui en a la charge. Il a hérité de ce rôle lorsqu’il avait 20 ans : « Il y a beaucoup de problèmes dans la communauté et dans le pays, donc les gens viennent me voir pour que je fasse des rituels, afin que ces choses-là s'améliorent. »
Le chef spirituel s’inquiète puisque l’expansion de la ville a conduit son clan à être déplacé et repoussé toujours plus loin de ses terres, au fil des ans : « Nous n’avons aucun pouvoir sur ce qui se passe, et le gouvernement ne fait rien pour préserver la mémoire. Pour ma part, je fais en sorte d’apprendre à mes enfants à maintenir notre patrimoine culturel. »
L'attachement des autorités sud-soudanaises à Pita a été révélé lors des deux épisodes de conflit dans la capitale sud-soudanaise, en 2013 et 2016. Des officiels très haut placés avaient en effet demandé au chef Prudencio Legge Lodu d’effectuer des rituels afin de demander l’aide de Pita, et que la ville de Juba soit protégée.
À lire aussiSoudan du Sud: un recueil de poésie en bari pour mettre en lumière des langues locales
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De notre correspondante au Soudan du Sud,
Juba, la capitale du Soudan du Sud, a été fondée au tout début des années 1920 par les autorités coloniales britanniques sur les terres ancestrales d’une ethnie autochtone, les Bari. Depuis, la ville s’est développée, grossissant toujours plus vite, notamment depuis l’indépendance du pays en 2011. Son expansion conduit à la disparition progressive du patrimoine historique de la ville, avec, par exemple, la destruction de bâtiments datant de l’époque coloniale.
Pour les Bari originaires de Juba, préserver, sinon leurs terres, au moins leur patrimoine culturel est un défi indispensable face aux grands changements en cours. Parmi les sites Bari traditionnels préservés, il y a une pierre sacrée du nom de Pita qui incarne la mémoire des Bari de Juba, et avec elle, celle des origines de la ville.
Dans cet endroit protégé des regards par un haut mur d’enceinte, situé à l’arrière d’un grand supermarché de la capitale sud-soudanaise, à proximité du Nil, une porte cadenassée permet d’accéder à une sorte de terrain vague. Ce dernier est parsemé de rochers de toutes tailles, sombres et arrondis, assez typiques à Juba. « Regardez, nous nous approchons de la pierre, nous avertit Stanslaus Tombe, porte-parole du Conseil de la communauté Bari, C’est là que se trouve notre ancêtre. L’origine de cette ville, c’est la base de cette pierre que nous appelons Pita. Pita, c’est le nom d’une personne, c’est celui que nous donnons à la quatrième fille qui naît dans une famille Bari. »
Selon la croyance, Pita aurait été enterrée ici, sous cette pierre, après avoir été sacrifiée par les siens, il y a très longtemps, comme l’explique Lino Loro Gore, chef traditionnel du quartier où nous nous trouvons, Juba Nabari : « C’était une période de crise. Les villageois se sont réunis et se sont demandé : comment allons-nous y mettre fin ? Ils ont décidé que Pita devait être enterrée vivante. Pita était une jeune vierge. Elle a dû être sacrifiée pour que la crise s’arrête. »
Le chef pense que cet épisode a pu avoir lieu du temps des premières invasions coloniales et des raids d’esclaves qui ont ravagé cette région à partir du XVIIIème siècle. Depuis, Pita s’est inscrite dans la mythologie Bari, dans les contes et l'histoire orale, où elle apparaît comme une figure protectrice, dotée de pouvoirs surnaturels. C’est la défenseuse de la terre.
À plus de 80 ans, Prudencio Legge Lodu continue d’assurer les rituels auprès de Pita, il est le chef spirituel qui en a la charge. Il a hérité de ce rôle lorsqu’il avait 20 ans : « Il y a beaucoup de problèmes dans la communauté et dans le pays, donc les gens viennent me voir pour que je fasse des rituels, afin que ces choses-là s'améliorent. »
Le chef spirituel s’inquiète puisque l’expansion de la ville a conduit son clan à être déplacé et repoussé toujours plus loin de ses terres, au fil des ans : « Nous n’avons aucun pouvoir sur ce qui se passe, et le gouvernement ne fait rien pour préserver la mémoire. Pour ma part, je fais en sorte d’apprendre à mes enfants à maintenir notre patrimoine culturel. »
L'attachement des autorités sud-soudanaises à Pita a été révélé lors des deux épisodes de conflit dans la capitale sud-soudanaise, en 2013 et 2016. Des officiels très haut placés avaient en effet demandé au chef Prudencio Legge Lodu d’effectuer des rituels afin de demander l’aide de Pita, et que la ville de Juba soit protégée.
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