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22. L’attaque

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L’attaque a été foudroyante. Comme apparus de nulle part, les aéronefs se sont positionnés au-dessus de la ville et ont abattu les rares navires ennemis en quelques minutes. Les soldats ont rapidement déposé les armes, suivant les ordres du conseil. Un bain de sang a été évité. Le peuple O’guf’n, après des siècles de paix et de liberté, s’est retrouvé envahi par une puissance étrangère, les Talek. La ville est à présent sous contrôle de l’armée. Le couvre-feu a été instauré.

Escorté par sa garde rapprochée, Hel Talek, souverain des Taleks, se dresse en conquérant devant les membres du conseil. Humiliés, ils ont été placés à même le sol d’une grande bâtisse, entourés de gardes armés. Leur défaite fut instantanée, surpassés par la puissance militaire et technologique de l’ennemi. Leurs pouvoirs télépathiques n’ont eu aucun effet sur eux, ni la peur des représailles d’une autre armée alliée. La victoire est foudroyante et totale. Hel Talek n’en tire aucune satisfaction particulière. C’est la première étape dans son plan, qu’il mènera patiemment à son terme. Après un moment de silence, il s’adresse aux conseillers :

  • Ainsi, les voilà les fameux conseillers. Les pêcheurs-savants », dit-il avec une pointe d’ironie. On m’a parlé de votre savoir, enfermé quelque part, accessible par télépathie uniquement, et dont vous refusez le partage depuis toujours. Cette époque a cessé, j’en serai désormais l’unique bénéficiaire. Il se trouve que nous avons dans notre lignée quelques facultés dans ce domaine, qui nous a en particulier protégé de votre émissaire ridicule, qui pourrit au fond de la mer à l’heure qu’il est. Votre secret doit être révélé immédiatement. Sinon, à chaque minute qui s’écoule, nous tuerons dix O’guf’n. C’est aussi simple que cela. Je vous écoute.

L’un des conseillers se lève et prend la parole.

  • Je parlerai au nom de tous. Vous êtes victorieux, en effet. Nos faibles armes ne pouvaient rien contre votre puissance de feu. Nous sommes un peuple pacifique, qui n’a jamais souhaité que partager son savoir avec le plus grand nombre. Notre rôle de conseiller est aussi de protéger notre peuple. Ce que vous appelez un secret n’en est pas un. Nous pouvons vous en faire profiter immédiatement. Il n’est pas accessible au reste du monde, d’un côté pour le protéger, et de l’autre car il faut des capacités cérébrales particulières. C’est manifestement votre cas. Si vous le souhaitez, vous pouvez bien volontiers entrer dans notre communauté de savoirs.

Hel Talek se méfie d’un piège tendu par le conseil, mais il ne distingue aucune tromperie dans le psychisme de son interlocuteur. Il souhaite sincèrement ce qu’il a exprimé, ou bien ses facultés de dissimulation sont au-delà de ce qu’il a pu anticiper.

  • Parfait, je vois que vous êtes sages. Je vous préviens que s’il m’arrive quoi que ce soit, mes généraux ont l’ordre de raser la ville. Conduisez-moi à votre sanctuaire !

Les conseillers se lèvent et passent devant le souverain, qui leur cède le passage. Everin, son second, qui s’est fait discret jusqu’à présent, le prévient :

  • Il se trame quelque chose, majesté. Il n’y a aucun doute qu’ils partageront leur savoir avec vous, sans risque pour votre santé, mais ils ne nous disent pas tout.

Hel Talek prend note sans répondre et emboîte le pas des conseillers. Après quelques minutes, ils ouvrent la lourde porte d’une bâtisse située au ras de l’eau, certainement l’une des plus anciennes. Le bois au sol est encore humide d’inondations passées dues à la montée des eaux en hiver. Ils se placent contre le mur et demandent à Hel de se positionner face à eux. Aussitôt fait, ils se retrouvent transportés dans une sorte de conduit caverneux, dont les murs sont parcourus des minces filets rouge-sang. Il emprunte ce chemin et arrive dans une grande salle, au croisement de plusieurs de ces tunnels. Les filets montent jusqu’au plafond et s’y regroupent au centre. De cet endroit tombe, goutte à goutte, un liquide vermeil qui disparaît dans une cavité rocheuse.

  • Le savoir s’écoule ici, précise un conseiller. Chaque goutte contient notre savoir universel. Vous devez verser votre sang pour vous unir aux savoirs ancestraux et entrer dans la communauté des conseillers.

Excité par la perspective de voler les informations qui dorment ici, il prend un couteau et s’ouvre la main. Il laisse couler une goutte de sang, qui vient rejoindre les autres dans la cavité. Il ne ressent aucun effet particulier et sent sa colère monter. Il est sur le point de lancer un ordre pour les abattre, mais il remarque que sa réflexion est soudain plus profonde, plus rapide. Il n’est pas plus intelligent, mais il évalue d’autres options, anticipe les réactions à plus longue échéance, à plus grande échelle. Il parvient à une conclusion équilibrée, juste, en conformité avec ses intentions. En un mot, plus raisonnée. Il sourit en comprenant qu’il a obtenu ce qu’il était venu chercher. Il se retrouve de nouveau dans la maison humide, face aux conseillers, qui ajoutent :

  • La cérémonie est achevée. Bienvenue dans notre communauté de savoirs, conseiller Hel

A présent, il est temps pour lui d’éliminer ces parasites comme prévu puis de continuer ses conquêtes. Mais il s’interroge : « Ne serait-il pas plus malin de les laisser en vie et d’user de leur influence sur les autres peuples pour conquérir pacifiquement ? Ainsi, nous pourrions profiter de leurs richesses dans la durée, plutôt que de les massacrer pour prendre ce qui existe actuellement. Nous pourrions devenir leurs maîtres, agrandir notre domination, régner sur leurs esprits, profiter de ce qu’ils produisent, les punir à notre volonté, sans même lever une arme ou perdre un soldat. Je serai adulé, respecté, craint, je serai plus qu’un empereur, je serai un dieu vivant ! Nous construirons un temple géant à ma gloire. Ce monde m’appartiendra ! Pour le moment, il faut que les O’guf’n continuent de vivre sans être inquiétés, puis, sans qu’ils le sachent, nous tisserons notre toile. »

Il sent une ambition nouvelle le posséder, comme une force qu’il avait toujours gardée en lui mais qui ne s’était pas encore révéler. Son nouveau plan lui semble d’une intense clarté. Il compte bien l’appliquer jusqu’au bout.

Il répond : « Merci conseillers, j’accepte avec plaisir d’en faire partie. Conformément à mes engagements, je vous laisse la vie sauve et je m’installe ici.». Puis, devant le visage surpris de son Second, qui l’accompagne, il lui précise en aparté : « Je t’expliquerai ce soir… »

Le soir venu, Everin se promène dans les rues de la ville, l’esprit chargé de questions. Il y croise l’un des conseillers, qui était resté silencieux toute cette journée.

« Bonsoir, conseiller », dit-il avec un air suffisant.

« Bonsoir, vous profitez de la douceur de l’air marin ? Ce fut une journée mémorable, n’est-ce pas, telle que nous n’en avions pas eues depuis fort longtemps. » répond-il avec nonchalance, comme si aucune guerre n’avait eu lieu, comme si cette journée avait surtout été l’occasion de festivités attendues.

« En effet…je me demandais : avez-vous déjà été attaqués ou votre savoir vous a-t-il toujours protégés ? Pourquoi aucun autre peuple n’a tenté de vous envahir ?», demande le second.

« Les O’guf’n ont régulièrement été l’attaque de tribus, de sociétés, en quête de savoir. Mais nous savons qu’il y a plusieurs manières de gagner. Ce fut chaque fois une source d’enrichissements et de progrès pour nous, car en rejoignant la communauté de savoir, chacun apporte aussi ses connaissances à cette communauté. Et les Talek en sont très riches ! »

Everin reçoit cette révélation comme un choc. Ainsi, leur savoir, leur technologie, serait désormais dans les mains de ce peuple ? Comment avait-il pu être aussi naïf ? Cela changeait tous leurs plans ! Il fallait qu’il en sache plus. « Mais…combien de fois avez-vous été envahis ? »

« Je ne dirais pas cela comme ça. Nous avons été étendus. Cela fait partie de notre vocation. Vous avez pu le remarquer d’ailleurs à la pluralité des races parmi le peuple. Combien de fois au total, nous l’ignorons, mais depuis un siècle il suffit de compter le nombre de conseillers ! »

De retour dans le Koltrex, le vaisseau amiral, il frappe à la porte de la salle de guerre.

« Entrez, Everin ! »

Il ouvre la porte et se présente devant Hel Talek. Il est seul, dans l’obscurité, et lui demande la raison de sa visite.

  • Majesté, j’ai découvert que la cérémonie à laquelle vous avez participé n’avait d’autre but que de voler vos savoirs et vous rendre prisonnier de leur communauté de pensée. Ma loyauté envers vous est totale, mais je crains que votre jugement ne soit altéré désormais et…
  • Et quoi ? Interroge le souverain. Me croyez-vous assez naïf pour me laisser prendre dans un tel piège ? Je vous le dis, il nous faut changer nos plans en fonction des changements de configuration. La meilleure stratégie consiste maintenant à attendre, à intégrer littéralement ce peuple pour asseoir notre domination pacifiquement. Je vous en dirai plus dans quelques mois.
  • Mais imaginez que tout ceci n’avait pour but que de vous manipuler. Vous croyez être en position de force, mais ce pourrait être l’inverse, vous pourriez…
  • Silence, imbécile ! J’ai l’impression plutôt que c’est toi qui perds la tête !

Le Second, fait un geste rapide en direction des gardes.

  • Majesté, vous n’êtes plus vous-même, vous ne pouvez pas vous en rendre compte, évidemment. Je suis au regret de devoir vous arrêter. ».

Hel Talek n’en croit pas ses oreilles. Il se lève brusquement, alors que des soldats fondent sur lui pour l’immobiliser. Malgré sa force et sa stature, ils le maintiennent au sol et lui attachent les mains avant de le relever.

  • Croyez bien que je n’agis pas de gaité de cœur. Nous allons accomplir la tâche que nous nous étions fixée à l’origine. »

Le souverain, ainsi immobilisé, ne tente pas de se défendre et se laisse conduire dans ses appartements. Everin y voit une marque de sa transformation. En temps normal, il n’aurait jamais laissé quiconque l’emprisonner de la sorte.

Le Second s’adresse alors à son aide de camp : « faites venir à moi tous les généraux immédiatement ».

Quelques heures plus tard, les généraux sont assis autour de la table. Il prend la parole, devant l’état-major médusé : « Comme je vous en ai informé plus tôt dans la journée, notre roi a participé à une cérémonie qui a altéré ses facultés cérébrales. J’ai appris que cette manœuvre était appliquée par le peuple de l’eau pour vaincre leurs ennemis sans les combattre. Ils les intègrent simplement et puisent dans leur savoir une nouvelle source de connaissance. Ceux-ci deviennent asservis aux autres membres. Hel Talek avait décidé de ne plus combattre et de vivre pacifiquement avec eux. Par conséquent, j’ai eu la lourde tâche de décider d’arrêter notre souverain bien-aimé. »

Plusieurs généraux se lèvent pour clamer leur indignation. L’un d’eux proclame :

  • Everin, si notre souverain ne peut plus régner, je propose que nous élisions un homme plus sage et plus combattif pour nous conduire à la victoire. ».

Un autre se lève :

  • Je vois dans votre jeu votre tentative pour usurper le trône, or celui-ci me revient naturellement, étant de lignée royale !
  • Je n’ai aucunement l’ambition de prendre ce titre, Art Talek. Ce monde nous appartient, il nous suffit de livrer bataille comme nous l’avons toujours fait ! lui répond Everin.
  • Et si Hel Talek avait raison, peut-être faudrait-il bâtir un nouveau plan, ajoute un autre.
  • Et c’est toi qui dirigerait notre peuple avec des idées aussi ridicules ? Jamais tu n’auras le pouvoir, je veux sentir le sang des O’guf’n dans mes mains !

Les généraux sont levés, ils parlent bruyamment, s’invectivent. Soudain, une discussion s’emballe, des insultes pleuvent, les uns sont des « traitres », les autres des « lâches ». Deux camps commencent à se dégager clairement. L’un d’eux lève son arme mais reçoit un coup sur la tête avant de pouvoir s’en servir. Les anciens conflits latents se mêlent aux frustrations, les ambitions se réveillent. Everin croit pouvoir interrompre ce chahut et lève les deux bras en hurlant « Messieurs, il nous faut du sang froid ! Au nom du Talek, je vous en prie !»

Les généraux, craignant pour leurs vies, s’enfuient par toutes les issues pour regagner leurs vaisseaux au plus vite. Quelques minutes plus tard, la salle est entièrement vide.

Le commandant du Koltrex entre dans les appartements du souverain déchu : «

  • Votre majesté, la nouvelle de votre arrestation a provoqué une scission parmi l’état-major. Je crains que cela n’ait révélé des ambitions personnelles et qu’ils ne s’apprêtent à s’entre-tuer. Vous pouvez compter sur moi pour vous servir. Que devons-nous faire ?
  • Maintenant, les deux clans vont s’affronter pour prendre le pouvoir, chacun est sorti du bois dès qu’il a appris mon emprisonnement. Des militaires, des guerriers, aucun d’eux ne réfléchit vraiment en stratèges à long terme. La partie ne fait que commencer, commandant, mais les O’guf’n ont un ennemi de taille. Je vais t’expliquer ce que tu vas faire…
  • Oui, majesté.

Quelques minutes plus tard, Hel Talek traverse les couloirs désertés. Il se dirige vers une sortie connue de lui seul, où l’attend un bateau. Il démarre et s’éloigne rapidement du Koltrex, qui commence à décoller. Du sol, on peut constater que les autres vaisseaux de guerre suivent le mouvement initié par le Koltrex, avant de disparaitre à l’horizon.

Hel Talek arrive à l’un des pontons de la ville. Il s’amarre et sort de son véhicule. En posant le pied sur le ponton il est accueilli par plusieurs conseillers. « Hel, nous sommes ravis de vous savoir de retour. Il apparait que vous avez été trahi par vos ambitieux généraux. C’est peut-être la providence qui vous a forcé à rompre avec votre passé. Votre sagesse vous a fait prendre la décision qui était la meilleure pour vous. Que notre peuple devienne votre peuple. ».

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Escorté par sa garde rapprochée, Hel Talek, souverain des Taleks, se dresse en conquérant devant les membres du conseil. Humiliés, ils ont été placés à même le sol d’une grande bâtisse, entourés de gardes armés. Leur défaite fut instantanée, surpassés par la puissance militaire et technologique de l’ennemi. Leurs pouvoirs télépathiques n’ont eu aucun effet sur eux, ni la peur des représailles d’une autre armée alliée. La victoire est foudroyante et totale. Hel Talek n’en tire aucune satisfaction particulière. C’est la première étape dans son plan, qu’il mènera patiemment à son terme. Après un moment de silence, il s’adresse aux conseillers :

  • Ainsi, les voilà les fameux conseillers. Les pêcheurs-savants », dit-il avec une pointe d’ironie. On m’a parlé de votre savoir, enfermé quelque part, accessible par télépathie uniquement, et dont vous refusez le partage depuis toujours. Cette époque a cessé, j’en serai désormais l’unique bénéficiaire. Il se trouve que nous avons dans notre lignée quelques facultés dans ce domaine, qui nous a en particulier protégé de votre émissaire ridicule, qui pourrit au fond de la mer à l’heure qu’il est. Votre secret doit être révélé immédiatement. Sinon, à chaque minute qui s’écoule, nous tuerons dix O’guf’n. C’est aussi simple que cela. Je vous écoute.

L’un des conseillers se lève et prend la parole.

  • Je parlerai au nom de tous. Vous êtes victorieux, en effet. Nos faibles armes ne pouvaient rien contre votre puissance de feu. Nous sommes un peuple pacifique, qui n’a jamais souhaité que partager son savoir avec le plus grand nombre. Notre rôle de conseiller est aussi de protéger notre peuple. Ce que vous appelez un secret n’en est pas un. Nous pouvons vous en faire profiter immédiatement. Il n’est pas accessible au reste du monde, d’un côté pour le protéger, et de l’autre car il faut des capacités cérébrales particulières. C’est manifestement votre cas. Si vous le souhaitez, vous pouvez bien volontiers entrer dans notre communauté de savoirs.

Hel Talek se méfie d’un piège tendu par le conseil, mais il ne distingue aucune tromperie dans le psychisme de son interlocuteur. Il souhaite sincèrement ce qu’il a exprimé, ou bien ses facultés de dissimulation sont au-delà de ce qu’il a pu anticiper.

  • Parfait, je vois que vous êtes sages. Je vous préviens que s’il m’arrive quoi que ce soit, mes généraux ont l’ordre de raser la ville. Conduisez-moi à votre sanctuaire !

Les conseillers se lèvent et passent devant le souverain, qui leur cède le passage. Everin, son second, qui s’est fait discret jusqu’à présent, le prévient :

  • Il se trame quelque chose, majesté. Il n’y a aucun doute qu’ils partageront leur savoir avec vous, sans risque pour votre santé, mais ils ne nous disent pas tout.

Hel Talek prend note sans répondre et emboîte le pas des conseillers. Après quelques minutes, ils ouvrent la lourde porte d’une bâtisse située au ras de l’eau, certainement l’une des plus anciennes. Le bois au sol est encore humide d’inondations passées dues à la montée des eaux en hiver. Ils se placent contre le mur et demandent à Hel de se positionner face à eux. Aussitôt fait, ils se retrouvent transportés dans une sorte de conduit caverneux, dont les murs sont parcourus des minces filets rouge-sang. Il emprunte ce chemin et arrive dans une grande salle, au croisement de plusieurs de ces tunnels. Les filets montent jusqu’au plafond et s’y regroupent au centre. De cet endroit tombe, goutte à goutte, un liquide vermeil qui disparaît dans une cavité rocheuse.

  • Le savoir s’écoule ici, précise un conseiller. Chaque goutte contient notre savoir universel. Vous devez verser votre sang pour vous unir aux savoirs ancestraux et entrer dans la communauté des conseillers.

Excité par la perspective de voler les informations qui dorment ici, il prend un couteau et s’ouvre la main. Il laisse couler une goutte de sang, qui vient rejoindre les autres dans la cavité. Il ne ressent aucun effet particulier et sent sa colère monter. Il est sur le point de lancer un ordre pour les abattre, mais il remarque que sa réflexion est soudain plus profonde, plus rapide. Il n’est pas plus intelligent, mais il évalue d’autres options, anticipe les réactions à plus longue échéance, à plus grande échelle. Il parvient à une conclusion équilibrée, juste, en conformité avec ses intentions. En un mot, plus raisonnée. Il sourit en comprenant qu’il a obtenu ce qu’il était venu chercher. Il se retrouve de nouveau dans la maison humide, face aux conseillers, qui ajoutent :

  • La cérémonie est achevée. Bienvenue dans notre communauté de savoirs, conseiller Hel

A présent, il est temps pour lui d’éliminer ces parasites comme prévu puis de continuer ses conquêtes. Mais il s’interroge : « Ne serait-il pas plus malin de les laisser en vie et d’user de leur influence sur les autres peuples pour conquérir pacifiquement ? Ainsi, nous pourrions profiter de leurs richesses dans la durée, plutôt que de les massacrer pour prendre ce qui existe actuellement. Nous pourrions devenir leurs maîtres, agrandir notre domination, régner sur leurs esprits, profiter de ce qu’ils produisent, les punir à notre volonté, sans même lever une arme ou perdre un soldat. Je serai adulé, respecté, craint, je serai plus qu’un empereur, je serai un dieu vivant ! Nous construirons un temple géant à ma gloire. Ce monde m’appartiendra ! Pour le moment, il faut que les O’guf’n continuent de vivre sans être inquiétés, puis, sans qu’ils le sachent, nous tisserons notre toile. »

Il sent une ambition nouvelle le posséder, comme une force qu’il avait toujours gardée en lui mais qui ne s’était pas encore révéler. Son nouveau plan lui semble d’une intense clarté. Il compte bien l’appliquer jusqu’au bout.

Il répond : « Merci conseillers, j’accepte avec plaisir d’en faire partie. Conformément à mes engagements, je vous laisse la vie sauve et je m’installe ici.». Puis, devant le visage surpris de son Second, qui l’accompagne, il lui précise en aparté : « Je t’expliquerai ce soir… »

Le soir venu, Everin se promène dans les rues de la ville, l’esprit chargé de questions. Il y croise l’un des conseillers, qui était resté silencieux toute cette journée.

« Bonsoir, conseiller », dit-il avec un air suffisant.

« Bonsoir, vous profitez de la douceur de l’air marin ? Ce fut une journée mémorable, n’est-ce pas, telle que nous n’en avions pas eues depuis fort longtemps. » répond-il avec nonchalance, comme si aucune guerre n’avait eu lieu, comme si cette journée avait surtout été l’occasion de festivités attendues.

« En effet…je me demandais : avez-vous déjà été attaqués ou votre savoir vous a-t-il toujours protégés ? Pourquoi aucun autre peuple n’a tenté de vous envahir ?», demande le second.

« Les O’guf’n ont régulièrement été l’attaque de tribus, de sociétés, en quête de savoir. Mais nous savons qu’il y a plusieurs manières de gagner. Ce fut chaque fois une source d’enrichissements et de progrès pour nous, car en rejoignant la communauté de savoir, chacun apporte aussi ses connaissances à cette communauté. Et les Talek en sont très riches ! »

Everin reçoit cette révélation comme un choc. Ainsi, leur savoir, leur technologie, serait désormais dans les mains de ce peuple ? Comment avait-il pu être aussi naïf ? Cela changeait tous leurs plans ! Il fallait qu’il en sache plus. « Mais…combien de fois avez-vous été envahis ? »

« Je ne dirais pas cela comme ça. Nous avons été étendus. Cela fait partie de notre vocation. Vous avez pu le remarquer d’ailleurs à la pluralité des races parmi le peuple. Combien de fois au total, nous l’ignorons, mais depuis un siècle il suffit de compter le nombre de conseillers ! »

De retour dans le Koltrex, le vaisseau amiral, il frappe à la porte de la salle de guerre.

« Entrez, Everin ! »

Il ouvre la porte et se présente devant Hel Talek. Il est seul, dans l’obscurité, et lui demande la raison de sa visite.

  • Majesté, j’ai découvert que la cérémonie à laquelle vous avez participé n’avait d’autre but que de voler vos savoirs et vous rendre prisonnier de leur communauté de pensée. Ma loyauté envers vous est totale, mais je crains que votre jugement ne soit altéré désormais et…
  • Et quoi ? Interroge le souverain. Me croyez-vous assez naïf pour me laisser prendre dans un tel piège ? Je vous le dis, il nous faut changer nos plans en fonction des changements de configuration. La meilleure stratégie consiste maintenant à attendre, à intégrer littéralement ce peuple pour asseoir notre domination pacifiquement. Je vous en dirai plus dans quelques mois.
  • Mais imaginez que tout ceci n’avait pour but que de vous manipuler. Vous croyez être en position de force, mais ce pourrait être l’inverse, vous pourriez…
  • Silence, imbécile ! J’ai l’impression plutôt que c’est toi qui perds la tête !

Le Second, fait un geste rapide en direction des gardes.

  • Majesté, vous n’êtes plus vous-même, vous ne pouvez pas vous en rendre compte, évidemment. Je suis au regret de devoir vous arrêter. ».

Hel Talek n’en croit pas ses oreilles. Il se lève brusquement, alors que des soldats fondent sur lui pour l’immobiliser. Malgré sa force et sa stature, ils le maintiennent au sol et lui attachent les mains avant de le relever.

  • Croyez bien que je n’agis pas de gaité de cœur. Nous allons accomplir la tâche que nous nous étions fixée à l’origine. »

Le souverain, ainsi immobilisé, ne tente pas de se défendre et se laisse conduire dans ses appartements. Everin y voit une marque de sa transformation. En temps normal, il n’aurait jamais laissé quiconque l’emprisonner de la sorte.

Le Second s’adresse alors à son aide de camp : « faites venir à moi tous les généraux immédiatement ».

Quelques heures plus tard, les généraux sont assis autour de la table. Il prend la parole, devant l’état-major médusé : « Comme je vous en ai informé plus tôt dans la journée, notre roi a participé à une cérémonie qui a altéré ses facultés cérébrales. J’ai appris que cette manœuvre était appliquée par le peuple de l’eau pour vaincre leurs ennemis sans les combattre. Ils les intègrent simplement et puisent dans leur savoir une nouvelle source de connaissance. Ceux-ci deviennent asservis aux autres membres. Hel Talek avait décidé de ne plus combattre et de vivre pacifiquement avec eux. Par conséquent, j’ai eu la lourde tâche de décider d’arrêter notre souverain bien-aimé. »

Plusieurs généraux se lèvent pour clamer leur indignation. L’un d’eux proclame :

  • Everin, si notre souverain ne peut plus régner, je propose que nous élisions un homme plus sage et plus combattif pour nous conduire à la victoire. ».

Un autre se lève :

  • Je vois dans votre jeu votre tentative pour usurper le trône, or celui-ci me revient naturellement, étant de lignée royale !
  • Je n’ai aucunement l’ambition de prendre ce titre, Art Talek. Ce monde nous appartient, il nous suffit de livrer bataille comme nous l’avons toujours fait ! lui répond Everin.
  • Et si Hel Talek avait raison, peut-être faudrait-il bâtir un nouveau plan, ajoute un autre.
  • Et c’est toi qui dirigerait notre peuple avec des idées aussi ridicules ? Jamais tu n’auras le pouvoir, je veux sentir le sang des O’guf’n dans mes mains !

Les généraux sont levés, ils parlent bruyamment, s’invectivent. Soudain, une discussion s’emballe, des insultes pleuvent, les uns sont des « traitres », les autres des « lâches ». Deux camps commencent à se dégager clairement. L’un d’eux lève son arme mais reçoit un coup sur la tête avant de pouvoir s’en servir. Les anciens conflits latents se mêlent aux frustrations, les ambitions se réveillent. Everin croit pouvoir interrompre ce chahut et lève les deux bras en hurlant « Messieurs, il nous faut du sang froid ! Au nom du Talek, je vous en prie !»

Les généraux, craignant pour leurs vies, s’enfuient par toutes les issues pour regagner leurs vaisseaux au plus vite. Quelques minutes plus tard, la salle est entièrement vide.

Le commandant du Koltrex entre dans les appartements du souverain déchu : «

  • Votre majesté, la nouvelle de votre arrestation a provoqué une scission parmi l’état-major. Je crains que cela n’ait révélé des ambitions personnelles et qu’ils ne s’apprêtent à s’entre-tuer. Vous pouvez compter sur moi pour vous servir. Que devons-nous faire ?
  • Maintenant, les deux clans vont s’affronter pour prendre le pouvoir, chacun est sorti du bois dès qu’il a appris mon emprisonnement. Des militaires, des guerriers, aucun d’eux ne réfléchit vraiment en stratèges à long terme. La partie ne fait que commencer, commandant, mais les O’guf’n ont un ennemi de taille. Je vais t’expliquer ce que tu vas faire…
  • Oui, majesté.

Quelques minutes plus tard, Hel Talek traverse les couloirs désertés. Il se dirige vers une sortie connue de lui seul, où l’attend un bateau. Il démarre et s’éloigne rapidement du Koltrex, qui commence à décoller. Du sol, on peut constater que les autres vaisseaux de guerre suivent le mouvement initié par le Koltrex, avant de disparaitre à l’horizon.

Hel Talek arrive à l’un des pontons de la ville. Il s’amarre et sort de son véhicule. En posant le pied sur le ponton il est accueilli par plusieurs conseillers. « Hel, nous sommes ravis de vous savoir de retour. Il apparait que vous avez été trahi par vos ambitieux généraux. C’est peut-être la providence qui vous a forcé à rompre avec votre passé. Votre sagesse vous a fait prendre la décision qui était la meilleure pour vous. Que notre peuple devienne votre peuple. ».

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