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L’impératif du réarmement / Les rapports Pékin - Moscou / n°236 / 13 mars 2022

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Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 11 mars 2022.

Avec cette semaine :

  • Nicolas Baverez, essayiste et avocat.
  • Béatrice Giblin, directrice de la revue Hérodote et fondatrice de l’Institut Français de Géopolitique.
  • Nicole Gnesotto, titulaire de la chaire « Union Européenne » au CNAM.
  • Marc-Olivier Padis, directeur des études de la fondation Terra Nova.

L’IMPÉRATIF DU RÉARMEMENT : POURQUOI ET COMMENT ?

A l'issue d'un Conseil de défense, le 26 février, Emmanuel Macron a décidé de livrer des équipements militaires supplémentaires et du carburant à Kiev. Le communiqué de l’Elysée ne donne pas de détails sur ces armements. Selon l'état-major, plus de 9 500 soldats ont été directement mobilisés ou mis en alerte en fin de semaine dernière. Quelque 500 soldats ont été déployés en Roumanie, en plus des 300 déjà actifs en Estonie, où une centaine d'autres accompagnent l'arrivée de 4 avions de chasse Mirage 2000-5 destinés à « renforcer la défense aérienne des pays baltes ». 600 soldats sont également mobilisés pour des vols au-dessus de la Pologne. Environ 8 000 militaires français sont « d'alerte dans le cadre de la force de réaction rapide de l'Otan » dont la France assume le commandement en 2022.

Pour faire face à la montée des tensions en Europe, Emmanuel Macron s'est engagé le 2 mars à augmenter fortement les moyens des armées. Depuis des mois, le chef d'état-major des armées, le général Thierry Burkhard reconnaît que la France ne saurait faire face à un conflit durable et/ou de haute intensité. Les failles de la défense française sont nombreuses : graves insuffisances de nos munitions, quasi-impasse sur les drones, format limite de notre marine et de notre aviation, fortes dépendances extérieures pour la projection de nos forces... Bien que très conséquentes, les sommes prévues dans la loi de programmation sont jugées insuffisantes par les députés Jean-Louis Thiériot (LR) et Patricia Mirallès (LREM), qui ont publié un rapport parlementaire le 17 février. Leur évaluation des forces et faiblesses de l'armée française, en cas de guerre conventionnelle de grande ampleur, comme celle en Ukraine, leur fait dire qu'un effort supplémentaire de 40 à 60 milliards d'euros sur douze ans serait nécessaire.

Pendant vingt ans, comme ses voisins européens, la France a diminué ses dépenses en tirant les « dividendes de la paix » à la suite de l'effondrement de l'Union soviétique et de la fin de la guerre froide. Après les attentats de 2015, le budget des armées est reparti à la hausse. Désormais, la France satisfait aux exigences de l'Otan, investissant en 2020 l'équivalent de 2% du PIB en dépenses militaires. La loi de programmation militaire 2019-2025 a été augmenté de 1,7 milliard d'euros chaque année depuis 2017, pour atteindre 40,9 milliards d'euros en 2022. Une deuxième phase doit débuter en 2023 et devrait s'élever à plus de 3 milliards d'euros par an, portant ainsi le budget de l'Armée à 50 milliards dès 2025. Il s'agit notamment d'honorer la facture du renouvellement de la politique de dissuasion nucléaire (nouvelle génération de sous-marins, modernisation des missiles balistiques et de croisière) mais aussi de faire face aux nouveaux besoins : la cyberguerre et l'espace, deux domaines qui n'étaient pas encore conçus comme des terrains d'affrontement il y a cinq ans. Pour la première fois, le gouvernement a respecté la loi de programmation militaire et l'effort est sans précédent. Mais il reste dans une logique de rattrapage. L'attaque de la Russie pose la question d'aller plus loin, dans une logique de réarmement.

***

LES RAPPORTS PÉKIN – MOSCOU

Le 4 février, lors d'une visite à Pékin, Vladimir Poutine ratifiait en bloc les thèses chinoises sur l'Asie-Pacifique - de Taiwan à l'Australie, sans oublier le Japon. De son côté, Xi Jinping soutenait la demande russe de « garanties juridiques de sécurité en Europe », sans aucune mention de l'Ukraine. Un tournant pour Pékin, qui s'était jusque-là abstenu de reconnaître l'annexion de la Crimée et n'avait pas soutenu la Russie dans la guerre de Géorgie en 2008. Une première pour la Russie qui n’avait jamais encore pris le parti de la Chine sur Taïwan. Dans leur communiqué joint, les Russes ont signé avec les Chinois un accord de fourniture de gaz et de pétrole de 117,5 Mds de dollars (104 Mds d’euros).

Après le début de l'offensive russe contre l’Ukraine, le 24 février, Pékin s'est gardé de toute condamnation, mais a insisté sur le droit de Moscou à sauvegarder sa sécurité tout en critiquant l'attitude occidentale et surtout américaine. Le ministre chinois des Affaires étrangères a affirmé que « la Chine ne veut pas la guerre » précisant dans un communiqué du ministère que « la situation actuelle est quelque chose que nous ne voulons pas voir. » Mais le 7 mars, il a assuré que « l'amitié entre les deux peuples est solide comme un roc et les perspectives de coopération future sont immenses ».

Alors que l’Union européenne représente 37 % des échanges commerciaux de la Russie en 2020, la Chine n'est pas le premier partenaire économique de Moscou qui pèse pour 15 % de ses exportations et 20 % de ses importations. Le PIB chinois est près de dix fois supérieur au PIB russe. Mais les produits phares que la Russie exporte sont justement ceux dont la Chine est friande : hydrocarbures et céréales. Dès l'annonce de l'opération militaire russe, les Bourses chinoises ont chuté, signalant la nervosité des marchés asiatiques.

Dans le même temps, la Chine refuse de couper les ponts avec l'Ukraine, un allié de sa nouvelle route de la soie, qui lui fournit des technologies militaires précieuses et dont il est devenu le premier partenaire commercial. Les investissements chinois dans la construction d'infrastructures sont considérables, l'Ukraine est un important fournisseur d'armes à la Chine et un marché-clé pour les entreprises chinoises de télécommunication, dont Huawei. Le 4 janvier, Xi Jinping avait envoyé au président ukrainien Volodymyr Zelenski un message à l'occasion du 30ème anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays indiquant notamment « attacher la plus grande importance au développement du partenariat stratégique Chine-Ukraine ».

Quant aux enseignements que la Chine pourrait tirer de l'Ukraine pour Taïwan, le sinologue Jean-Pierre Cabestan les résume ainsi : « En attaquant Taïwan, la Chine mettrait à bas l'ordre économique mondial ». Alors que le ministère des Finances chinois a annoncé, le 5 mars, que le budget militaire du pays augmentera cette année de 7,1%, un sondage publié le 22 février sur le site Taiwan News indiquait que 63 % des Taïwanais ne croyaient pas à une attaque chinoise en cas d'agression russe de l'Ukraine.

Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr

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L’IMPÉRATIF DU RÉARMEMENT : POURQUOI ET COMMENT ?

A l'issue d'un Conseil de défense, le 26 février, Emmanuel Macron a décidé de livrer des équipements militaires supplémentaires et du carburant à Kiev. Le communiqué de l’Elysée ne donne pas de détails sur ces armements. Selon l'état-major, plus de 9 500 soldats ont été directement mobilisés ou mis en alerte en fin de semaine dernière. Quelque 500 soldats ont été déployés en Roumanie, en plus des 300 déjà actifs en Estonie, où une centaine d'autres accompagnent l'arrivée de 4 avions de chasse Mirage 2000-5 destinés à « renforcer la défense aérienne des pays baltes ». 600 soldats sont également mobilisés pour des vols au-dessus de la Pologne. Environ 8 000 militaires français sont « d'alerte dans le cadre de la force de réaction rapide de l'Otan » dont la France assume le commandement en 2022.

Pour faire face à la montée des tensions en Europe, Emmanuel Macron s'est engagé le 2 mars à augmenter fortement les moyens des armées. Depuis des mois, le chef d'état-major des armées, le général Thierry Burkhard reconnaît que la France ne saurait faire face à un conflit durable et/ou de haute intensité. Les failles de la défense française sont nombreuses : graves insuffisances de nos munitions, quasi-impasse sur les drones, format limite de notre marine et de notre aviation, fortes dépendances extérieures pour la projection de nos forces... Bien que très conséquentes, les sommes prévues dans la loi de programmation sont jugées insuffisantes par les députés Jean-Louis Thiériot (LR) et Patricia Mirallès (LREM), qui ont publié un rapport parlementaire le 17 février. Leur évaluation des forces et faiblesses de l'armée française, en cas de guerre conventionnelle de grande ampleur, comme celle en Ukraine, leur fait dire qu'un effort supplémentaire de 40 à 60 milliards d'euros sur douze ans serait nécessaire.

Pendant vingt ans, comme ses voisins européens, la France a diminué ses dépenses en tirant les « dividendes de la paix » à la suite de l'effondrement de l'Union soviétique et de la fin de la guerre froide. Après les attentats de 2015, le budget des armées est reparti à la hausse. Désormais, la France satisfait aux exigences de l'Otan, investissant en 2020 l'équivalent de 2% du PIB en dépenses militaires. La loi de programmation militaire 2019-2025 a été augmenté de 1,7 milliard d'euros chaque année depuis 2017, pour atteindre 40,9 milliards d'euros en 2022. Une deuxième phase doit débuter en 2023 et devrait s'élever à plus de 3 milliards d'euros par an, portant ainsi le budget de l'Armée à 50 milliards dès 2025. Il s'agit notamment d'honorer la facture du renouvellement de la politique de dissuasion nucléaire (nouvelle génération de sous-marins, modernisation des missiles balistiques et de croisière) mais aussi de faire face aux nouveaux besoins : la cyberguerre et l'espace, deux domaines qui n'étaient pas encore conçus comme des terrains d'affrontement il y a cinq ans. Pour la première fois, le gouvernement a respecté la loi de programmation militaire et l'effort est sans précédent. Mais il reste dans une logique de rattrapage. L'attaque de la Russie pose la question d'aller plus loin, dans une logique de réarmement.

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LES RAPPORTS PÉKIN – MOSCOU

Le 4 février, lors d'une visite à Pékin, Vladimir Poutine ratifiait en bloc les thèses chinoises sur l'Asie-Pacifique - de Taiwan à l'Australie, sans oublier le Japon. De son côté, Xi Jinping soutenait la demande russe de « garanties juridiques de sécurité en Europe », sans aucune mention de l'Ukraine. Un tournant pour Pékin, qui s'était jusque-là abstenu de reconnaître l'annexion de la Crimée et n'avait pas soutenu la Russie dans la guerre de Géorgie en 2008. Une première pour la Russie qui n’avait jamais encore pris le parti de la Chine sur Taïwan. Dans leur communiqué joint, les Russes ont signé avec les Chinois un accord de fourniture de gaz et de pétrole de 117,5 Mds de dollars (104 Mds d’euros).

Après le début de l'offensive russe contre l’Ukraine, le 24 février, Pékin s'est gardé de toute condamnation, mais a insisté sur le droit de Moscou à sauvegarder sa sécurité tout en critiquant l'attitude occidentale et surtout américaine. Le ministre chinois des Affaires étrangères a affirmé que « la Chine ne veut pas la guerre » précisant dans un communiqué du ministère que « la situation actuelle est quelque chose que nous ne voulons pas voir. » Mais le 7 mars, il a assuré que « l'amitié entre les deux peuples est solide comme un roc et les perspectives de coopération future sont immenses ».

Alors que l’Union européenne représente 37 % des échanges commerciaux de la Russie en 2020, la Chine n'est pas le premier partenaire économique de Moscou qui pèse pour 15 % de ses exportations et 20 % de ses importations. Le PIB chinois est près de dix fois supérieur au PIB russe. Mais les produits phares que la Russie exporte sont justement ceux dont la Chine est friande : hydrocarbures et céréales. Dès l'annonce de l'opération militaire russe, les Bourses chinoises ont chuté, signalant la nervosité des marchés asiatiques.

Dans le même temps, la Chine refuse de couper les ponts avec l'Ukraine, un allié de sa nouvelle route de la soie, qui lui fournit des technologies militaires précieuses et dont il est devenu le premier partenaire commercial. Les investissements chinois dans la construction d'infrastructures sont considérables, l'Ukraine est un important fournisseur d'armes à la Chine et un marché-clé pour les entreprises chinoises de télécommunication, dont Huawei. Le 4 janvier, Xi Jinping avait envoyé au président ukrainien Volodymyr Zelenski un message à l'occasion du 30ème anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays indiquant notamment « attacher la plus grande importance au développement du partenariat stratégique Chine-Ukraine ».

Quant aux enseignements que la Chine pourrait tirer de l'Ukraine pour Taïwan, le sinologue Jean-Pierre Cabestan les résume ainsi : « En attaquant Taïwan, la Chine mettrait à bas l'ordre économique mondial ». Alors que le ministère des Finances chinois a annoncé, le 5 mars, que le budget militaire du pays augmentera cette année de 7,1%, un sondage publié le 22 février sur le site Taiwan News indiquait que 63 % des Taïwanais ne croyaient pas à une attaque chinoise en cas d'agression russe de l'Ukraine.

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