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Niger: le fonds de sauvegarde pour la patrie, une stratégie efficace?
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Le 26 juillet dernier, le général de brigade Abdourahamane Tiani renverse le président Mohamed Bazoum. Dans la foulée, une série de sanctions s’abattent sur le Niger. Le pays n’a plus accès à ses comptes sis à la BCÉAO, une partie des aides des bailleurs sont gelées. Mi-octobre, la junte annonce alors la création d’un fonds de sauvegarde pour la patrie pour « la dignité et la résilience d'une nation unie ». Près d’un an après, Afrique économie cherche à faire le point sur ce fonds.
Des prélèvements obligatoires ont été mis en place sur le crédit téléphone, les taxis, l’essence, etc. Mais ce fonds est également alimenté par des dons financiers et en nature qui vont du pot de yaourts, aux corans, en passant par le don de moutons ou d’engrais.
Tout cela est listé précisément sur le site dédié au Fonds. « On voit qu’aujourd'hui, ils ont réussi à mobiliser 16 milliards de francs CFA. Si on le rapporte aux recettes totales publiques de la loi de finances 2023, les recettes budgétaires du Niger s'élevant à 3 245 milliards de francs CFA, ce fonds représente 0,03 % des recettes totales budgétaires de l'État du Niger », détaille Emilie Laffiteau. La chercheuse associée à l’Iris, économiste, spécialiste des enjeux macroéconomiques internationaux a également fait la comparaison avec les appuis budgétaires des partenaires. Même si ces derniers ont drastiquement diminué suite aux sanctions, le fond représente moins de 5 % comparativement aux appuis budgétaires des partenaires. « On voit qu'au niveau des volumes, celareste un instrument très marginal de mobilisation de recettes publiques au niveau national », analyse Emilie Laffiteau.
Un financement plus flexible
Si les volumes restent comparativement modestes, ce genre de fonds comporte cependant plusieurs avantages, analyse l’économiste international sénégalais Magaye Gaye. « Ce sont des organes de financement d'abord qui sont endogènes et qui priorisent les ressources de financement interne. Ce qui est quand même recherché, c'est la solidarité, au-delà des seules règles d'abondement des fonds classiques par les budgets nationaux. Donc cela, c'est un élément très important », met-il en avant. Autre avantage : « Cela contourne également les rigidités administratives et budgétaires. Les procédures d'exécution des dépenses publiques obéissent à des règles qui sont très complexes, qui sont rigides et contraignantes. Et, c’est pourquoi effectivement, ce genre de fonds, par leur souplesse, permettent justement de contourner ces rigidités pour être beaucoup plus efficaces. »
Pour Magay Gaye, il ne s’agit donc pas de se substituer aux lois de Finance votées, mais de proposer quelque chose en plus et de différent, « mobiliser les Nigériens autour d'un projet commun ». Au-delà de l’aspect purement économique, il s’agit pour l’économiste sénégalais d’une décision très politique. « Il s’agit d’un acte patriotique fort », assure-t-il.
Taxer les dividendes des multinationales
Le constat cependant est sans appel. Les sanctions internationales, de la Cédéao notamment, ont conduit à une perte de revenus importants pour le Niger. Et si l’État cherche à lever plus de fonds pour financer sa politique, il dispose de leviers plus efficaces que ce fonds de solidarité, estime l’économiste Emilie Laffiteau. « Au Niger, le taux de pression fiscale est à 10 %. Au niveau de l'UEMOA, dispositif dans lequel ils sont toujours intégrés, la norme est à 20 %. Donc, on voit qu’il y a vraiment un effort à faire au niveau de cette pression fiscale, pour que les autorités du pays arrivent à prélever au niveau de leurs recettes », remarque-t-elle. Et pour elle, cette pression peut mieux viser les dividendes des multinationales. « Il me semble que l'enjeu est là. Parce qu’ici, il y a une capacité de mobilisation qui est beaucoup plus forte », souligne-t-elle encore.
Sur un temps plus long, assurer la transparence et la bonne gouvernance du Fonds restent primordial selon les économistes. La question de sa pérennité est également posée.
À lire aussiNiger: face à une situation financière difficile, le CNSP lance un fonds de solidarité
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Des prélèvements obligatoires ont été mis en place sur le crédit téléphone, les taxis, l’essence, etc. Mais ce fonds est également alimenté par des dons financiers et en nature qui vont du pot de yaourts, aux corans, en passant par le don de moutons ou d’engrais.
Tout cela est listé précisément sur le site dédié au Fonds. « On voit qu’aujourd'hui, ils ont réussi à mobiliser 16 milliards de francs CFA. Si on le rapporte aux recettes totales publiques de la loi de finances 2023, les recettes budgétaires du Niger s'élevant à 3 245 milliards de francs CFA, ce fonds représente 0,03 % des recettes totales budgétaires de l'État du Niger », détaille Emilie Laffiteau. La chercheuse associée à l’Iris, économiste, spécialiste des enjeux macroéconomiques internationaux a également fait la comparaison avec les appuis budgétaires des partenaires. Même si ces derniers ont drastiquement diminué suite aux sanctions, le fond représente moins de 5 % comparativement aux appuis budgétaires des partenaires. « On voit qu'au niveau des volumes, celareste un instrument très marginal de mobilisation de recettes publiques au niveau national », analyse Emilie Laffiteau.
Un financement plus flexible
Si les volumes restent comparativement modestes, ce genre de fonds comporte cependant plusieurs avantages, analyse l’économiste international sénégalais Magaye Gaye. « Ce sont des organes de financement d'abord qui sont endogènes et qui priorisent les ressources de financement interne. Ce qui est quand même recherché, c'est la solidarité, au-delà des seules règles d'abondement des fonds classiques par les budgets nationaux. Donc cela, c'est un élément très important », met-il en avant. Autre avantage : « Cela contourne également les rigidités administratives et budgétaires. Les procédures d'exécution des dépenses publiques obéissent à des règles qui sont très complexes, qui sont rigides et contraignantes. Et, c’est pourquoi effectivement, ce genre de fonds, par leur souplesse, permettent justement de contourner ces rigidités pour être beaucoup plus efficaces. »
Pour Magay Gaye, il ne s’agit donc pas de se substituer aux lois de Finance votées, mais de proposer quelque chose en plus et de différent, « mobiliser les Nigériens autour d'un projet commun ». Au-delà de l’aspect purement économique, il s’agit pour l’économiste sénégalais d’une décision très politique. « Il s’agit d’un acte patriotique fort », assure-t-il.
Taxer les dividendes des multinationales
Le constat cependant est sans appel. Les sanctions internationales, de la Cédéao notamment, ont conduit à une perte de revenus importants pour le Niger. Et si l’État cherche à lever plus de fonds pour financer sa politique, il dispose de leviers plus efficaces que ce fonds de solidarité, estime l’économiste Emilie Laffiteau. « Au Niger, le taux de pression fiscale est à 10 %. Au niveau de l'UEMOA, dispositif dans lequel ils sont toujours intégrés, la norme est à 20 %. Donc, on voit qu’il y a vraiment un effort à faire au niveau de cette pression fiscale, pour que les autorités du pays arrivent à prélever au niveau de leurs recettes », remarque-t-elle. Et pour elle, cette pression peut mieux viser les dividendes des multinationales. « Il me semble que l'enjeu est là. Parce qu’ici, il y a une capacité de mobilisation qui est beaucoup plus forte », souligne-t-elle encore.
Sur un temps plus long, assurer la transparence et la bonne gouvernance du Fonds restent primordial selon les économistes. La question de sa pérennité est également posée.
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