Saint Irénée de Lyon 1/4

A l'écoute des Pères de l'Eglise

Amaury Guillem et Jean Charmois nous proposent d'évoquer la grande figure du christianisme qu'était Saint Irénée de Lyon (1ère partie), évêque de Lyon au IIe siècle.

Irénée naquit selon toute probabilité à Smyrne (aujourd'hui Izmir, en Turquie), vers 135-140, où, encore jeune, il alla à l'école de l'évêque Polycarpe, lui-même

disciple de l'Apôtre Jean. Irénée meurt vers 202-203, peut-être par le martyre.

Deux œuvres nous sont parvenues :

•  les cinq livres « Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur »

surnommé « Contre les hérésies »,

•  et la Démonstration de la prédication apostolique (que l'on peut également

appeler le plus ancien catéchisme de la doctrine chrétienne).

La fausse gnose et la vraie

Le mot gnosis = connaissance. Mot utilisé fréquemment dans les épîtres de St

Paul. Les pères – qui parlent en grec – ne déprécient pas le terme, contrairement à nous qui voyons tout de suite dans le mot gnose ou gnosticisme

de l’occultisme ou un ésotérisme. Pour les pères, et en particulier Irénée, la distinction est entre vraie gnose et fausse gnose, ou encore, pour parler français, entre fausse connaissance et vraie connaissance. Son ouvrage principal s’intitule « Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur »

La fausse connaissance

Parlons un peu de cette gnose antique, qui est aujourd’hui souvent mise en avant pour relativiser la pensée et la foi chrétienne, en laissant entendre qu’il y aurait un ésotérisme chrétien, enseigné par le Christ et recouvert par l’Eglise. Il s’agit d’un ensemble très vaste de courants religieux syncrétistes, dont les racines puisent dans la pensée platonicienne, dans les mystères antiques, dans les cultes orientaux, et qui s’habille finalement de thèmes chrétiens, au point de se présenter comme la vraie doctrine du salut chrétien (on notera aussi qu’il y a parallèlement une gnose juive et une gnose néo-platonicienne)

Cette gnose, pour faire simple :

• propose à quelques élus parmi les adeptes, un salut qui s'acquiert par la connaissance, à travers une révélation initiatique réservée aux hommes

« pneumatiques », et impossible aux « psychiques »

• est une tentative sur le plan religieux et spirituel de sortir de la prison du monde environnant. Le gnostique n’est pas de ce monde. Il s'interroge sur

le sens de l'existence et y répond par une construction métaphysique.

• est une quête du moi profond grâce à une connaissance parfaite, censée libérer l’âme du monde mauvais dans lequel elle a été précipitée. Cette connaissance doit amener l’adepte au salut par une libération de la matière mauvaise et un retour au principe divin, le Dieu inconnu et absolument transcendant, que le gnostique possède déjà, par la parcelle de divinité qu'il porte en lui.

La vraie connaissance

Et comment Irénée peut-il s’opposer à cette gnose ? Premier point : Irénée va présenter en détail les thèses de ses adversaires, avant de les critiquer objectivement. Ce qui est tout à fait exceptionnel pour l’époque Irénée réfute le dualisme et le pessimisme gnostique qui sous-évaluaient les réalités corporelles. Il n’y a pas de démiurge ; Dieu a créé un monde bon et beau. Irénée revendique fermement la sainteté originelle de la matière, du corps, de la chair, ainsi que de l'esprit. L’Homme image de Dieu est un tout, âme et corps.

Alors que chez les gnostiques, le salut procuré par l'initiation, est extérieur et automatique, pour Irénée, le salut est un don de Dieu, intérieur, précaire et révocable, qui suppose la liberté de l'Homme. La gnose est élitiste : elle proclame que le salut appartient uniquement à ceux qui ont la connaissance. Irénée oppose à cela l'enseignement évangélique : tout homme peut être sauvé par sa foi en Jésus-Christ.

Pour Irénée, l'homme ne peut pas revendiquer la connaissance de Dieu. Il ne lui est possible que de l'accueillir, car Dieu donne la connaissance à travers sa Providence.